L’intimidation est un acte rationnel. Elle s’inscrit dans une logique de conflit qui n’exclut pas la négociation mais à la condition qu’elle se déroule uniquement selon les termes et les conditions imposées par l’intimidateur. Lorsque ce dernier s’appuie sur une tradition de sanctions extraterritoriales qui pèsent sur le système financier mondial, on a beau jeu de faire semblant de croire que Donald Trump perd la raison : aucun leader n’est fou au sens d’un quelconque trouble mental. Qualifier une décision de « folle » ou d ’ « irrationnelle » est une facilité trompeuse. En revanche, nous dit Frédéric Charillon, analyser un comportement sous l’angle d’une possible stratégie d’intimidation semble plus pertinent. Le phénomène du « pangolin roux d’Amérique » et l’état de « sidération » concédé par ce ministre français récemment interrogé, ont de la peine à masquer une ignorance des relations internationales telles qu’elles avaient été transcrites dans le célèbre essai de Thomas Schelling, Nobel d’économie 2005 (pour un ouvrage publié en 1960 !) : la stratégie du conflit. Sur l’extraterritorialité, citons quelques précédents : les lois Helms-Burton et d’Amato-Kennedy, adoptées en 1996 sous la présidence Clinton sanctionnent les entreprises étrangères commerçant avec Cuba, le Venezuela ou l’Iran, l’Ukraine Freedom Support Act de 2014 sous Obama vise les secteurs de l’énergie, de la défense et de la finance Russe. Quant à l’irrationalité supposée de Trump, il faut rappeler que le « Madman in Chief » ne fut autre que Richard Nixon lorsque qu’il laissait croire que son comportement pouvait être dangereusement imprévisible durant la guerre du Vietnam – au risque de déclencher le feu nucléaire (moins ambitieux, Donald Trump se contentait de mentionner la possibilité de tirer sur quelqu’un Cinquième Avenue sans perdre de voix).
Le résultat ? Nul ne le connait à ce stade… D’ailleurs le livre se termine par une « Conclusion provisoire ». Mais souvenons-nous que pour Schelling, le conflit est indissociable de la négociation : « étudier la stratégie du conflit, c’est avant tout prendre conscience du fait que la plupart des situations de conflit sont également des situations de négociation. » Selon lui, « la recherche d’un éventuel accord devient l’élément majeur du conflit ».
Frédéric CHARILLON est professeur de science politique à l’université d’Auvergne et chercheur associé au Centre Thucydide – analyse et recherche en relations internationales, Université Panthéon – Assas (Paris II).
Alain BRUNET