Alors qu’un journaliste quelque peu malicieux ,lui demandait ce que cela faisait de vivre à côté d’un génie , Marie Curie lui répondit imperturbable : « demandez le donc à mon mari !!! ».
Ce trait d’humour est une illustration du terrain semé d’embûches pour les femmes dans leur juste reconnaissance, historiquement, dans les domaines scientifiques , et tout autant aujourd’hui dans le secteur financier. « Dans toutes les figures empreintes de clichés façonnant l’imaginaire collectif , il y a une constance : les hommes sont omniprésents » .Singulièrement, les compétences de l’idéal- type de « l’acteur financier » sont pratiquement aux antipodes des attitudes, préférences et valeurs typiquement prêtées aux femmes dans nos sociétés. Aussi, le grand mérite de ce nouveau collectif de la REF est de proposer un point sur ce sujet de littérature « Femmes et Finance », en développant cette thématique le plus largement possible dans plusieurs champs d’investigation: le secteur bancaire , les marchés financiers, les institutions de régulation, la gouvernance d’entreprise , le monde académique etc… Ce numéro propose une analyse critique des inégalités de genre dans le secteur financier et en gouvernance d’entreprise .
Après une introduction de Christine Lagarde où elle présente les enjeux en matière de salaire et de pouvoir de décision, les contributions – très complémentaires et particulièrement documentées – des prestigieux co-auteurs, mettent en lumière les enjeux de l’équité de genre en finance et « dépassent la simple quête de gains de performance pour renforcer l’inclusivité et la diversité ».
Si les inégalités de genre restent « patentes , durables et choquantes » , les progrès en la matière n’ en sont que plus remarquables : par exemple, la majorité des banquiers sont des banquières !!!… Mais, la part des femmes dirigeantes reste globalement faible. Celle des femmes en f inance se heurte encore à des barrières internes et externes fortes, influencés par les marchés financiers. Désormais, la loi impose la mixité dans les conseils d’administration et vient en renfort pour permettre de briser ce terrible « plafond de verre » qui fait que, encore à ce jour, aucune femme ne dirige une grand établissement bancaire… même si du côté des Banques Centrales , la présence féminine a connu un effet de rattrapage notoire au cours de la dernière décennie. Si le combat vers cet objectif d’équité reste rude , de nombreuses opportunités émergent , appelant des réformes éducatives , institutionnelles et culturelles, pour promouvoir une véritable égalité des chances . Il reste que la réflexion doit se poursuivre sur les politiques de « quotas » afin que, in fine , cette mesure destinée à promouvoir l’égalité n’aboutisse à des « formes indirectes de désavantages ». Comme le rappelle Christine Lagarde : « les femmes ont leur place partout où les décisions se prennent . Elles ne devraient pas être l’exception ». Il reste que ces mesures, pour donner leur plein effet , devront être accompagnées d’une prise de conscience partagée par les hommes « sur leurs responsabilités domestiques », afin d’insuffler davantage de confiance aux jeunes filles » .
Combattre les discriminations , promouvoir une véritable égalité des chances, le chemin est tracé, mais il nécessitera pour une parfaite réussite, d’être accompagné d’une profonde révolution des mentalités. Une parution , dense , dépassionnée , qui éclaire brillamment l’avenir du sujet
Marie – Hélène Broihanne, est Professeure des universités – Strasbourg. Gunther Capelle-Blancard est Professeur des universités- Paris1. Antoine Rébérioux est Professeur des universités – Paris Cité.
note de Jean -Louis CHAMBON