La question essentielle de savoir si l’économie est une science ne sera pas résolue avec cet ouvrage, même si du temps des physiocrates l’économie politique s’autorisait à en revendiquer le statut. Les 17 contributeurs, économistes et historiens, encouragés par la Fondation des Treilles (site « du bout du monde » créé par Anne Gruner-Schlumberger) réussissent l’exploit de nous introduire dans un champ où se conjuguent histoire et économie, avec des interactions qui nous feraient douter du rang exclusif de sciences humaines auquel elles sont associées, ne serait-ce parce qu’elles sont de véritables « ogresses » : elles ambitionnent toutes deux « d’envelopper tout le champ du social ».
L’ouvrage comporte 6 parties qui illustrent leurs points de rencontre (jusqu’à éprouver une attirance réciproque), mais aussi les chemins qui les séparent (pour mieux s’approprier les données de l’autre). Ce qui fait dire à Samuelson que l’étude de l’histoire économique est le matériau brut à partir duquel l’économiste peut tester n’importe laquelle de ses hypothèses.
Le plus étonnant, lorsque le lecteur plonge dans les différentes thématiques du livre est la mise en œuvre de méthodes et d’outils extrêmement sophistiqués dans le traitement des données (comme les bases relationnelles numérisées) pour traiter des sujets aussi divers que l’appartenance maçonnique et donc l’évolution des lignes de force dans la société d’Ancien régime, ou encore les approches statistiques destinées à distinguer les différentes formes de causalité, notion que l’on croyait réservée aux sciences dures, comme l’énonce Pierre Livet.
Au travers des différents chapitres sont également abordés l’analyse du colonialisme (qui ne se résume pas à un jeu à somme nulle), l’organisation en réseau des universités en Europe médiévale et moderne. Ces thèmes constituent autant de points d’ancrage pour un développement épistémologique des sciences économiques.
Alain Trannoy est directeur d’études à l’EHESS, professeur à l’Ecole d’économie Aix-Marseille, spécialiste de l’économie publique et de la fiscalité et Arundhati Virmani est enseignante-chercheur à l’EHESS, spécialiste d’histoire coloniale et contemporaine de l’Inde.
note de Alain BRUNET