Après avoir investi l’Europe comme actionnaire de référence dans de nombreux ports, la Chine dispose d’une base navale à Djibouti. Les Américains ne sont pas en reste. Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne des études stratégiques l’affirme très récemment dans les Echos : « Chacun des protagonistes place ses pions comme dans un jeu de go ». Il rajoute « Des pions parfois très éloignés du territoire national et dont l’intérêt ne saute pas aux yeux en temps de paix et de libre navigation sans péage, mais si vous ne comprenez pas tout de suite, à la fin vous comprendrez ».
Arnaux Orain n’a pas attendu la fin du jeu qui se déroule chaque jour sous nos yeux, il a compris : le néolibéralisme c’est terminé ! Pourtant, rien de nouveau, déjà au XVIème et XVIIème siècles puis entre 1880 et 1945 le monde était envisagé sous une forme de finitude. Finitude qui explique que les puissances maritimes étaient toutes animées par une volonté d’accaparement et de prédation (d’où l’expansion coloniale et le commerce d’entrepôts). Depuis 2010, nous sommes entrés dans une nouvelle phase où ce ne sont pas seulement les États qui agissent au travers d’un hégémon naval mais aussi des « compagnies-États » comme celle d’Elon Musk.
L’ouvrage est dense, érudit et les références historiques jaillissent tout au long du texte. Le lecteur pourra parfois se perdre dans cette profusion où alternent figures historiques et modèles économiques (l’auteur revendique d’ailleurs une ambition méthodologique qui « consiste à brouiller les lignes entre histoire intellectuelle, histoire économique et économie contemporaine »). A la fin tout s’éclaire, le capitalisme de la finitude c’est quand on peut énoncer le slogan : Il n’y en aura pas pour tout le monde !
Cet essai brillant nous invite à ne pas sous-estimer des comportements qui pourraient faire douter de la rationalité de certains dirigeants. Ils sont parfaitement rationnels. C’est bien sous la pression de Donald Trump que le panama annonce son retrait des nouvelles routes de la soie et ce n’est pas un hasard si les Houthis ont attaqué 134 navires en douze mois avec un arsenal fourni par l’Iran ou la Chine.
Arnaud Orain est spécialiste d’histoire économique et d’économie politique. Il est directeur d’études à l’EHSS. Ses travaux portent sur les dynamiques économiques et leurs implications historiques.
note d’Alain BRUNET