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L’auteure retrace les processus d’industrialisation puis, à partir des années 1980, de désindustrialisation de la France. Elle s’interroge sur les raisons et les enjeux du passage d’une société industrielle à une société post-industrielle. Elle fonde son raisonnement sur la notion d’imaginaire, qui assure le lien entre le symbolique et le réel. L’imaginaire industriel est peuplé de mythes, d’illusions, voire d’utopies, mais il est également hanté par des peurs, des préjugés et des simulacres.
L’auteure analyse les mythes de l’industrialisation, du « catéchisme » de Saint Simon sous le second Empire aux défis de la reconstruction et des « champions nationaux » au cours des « trente glorieuses ». Elle attribue la cause de la désindustrialisation de la France – devenue rapidement un « pays sans usines » – à des facteurs purement économiques, comme la délocalisation de la production dans des pays tiers, imputable à la recherche d’une chaine de valeur toujours plus optimisée, mais aussi à des causes plus culturelles, comme la dévalorisation du « travail manuel », le déclassement des filières technologiques et le délaissement de l’apprentissage.
Anaïs Voy-Gillis s’efforce ensuite de reconnaitre les voies permettant de reconstruire un imaginaire favorable à la réindustrialisation de la France. Elle privilégie les nouvelles activités localisées en France plutôt que la relocation d’activités anciennes. Elle explore les projets en faveur du développement durable et de la protection de l’environnement, des industries à forte valeur ajoutée relevant des hautes technologies, de la chaîne alimentaire, du luxe et de la culture. Elle critique la politique de la France « start’up nation » qui relève plus du slogan que d’une stratégie fondée sur des réseaux structurés et sur une profonde culture du numérique. Elle préconise de réformer les rôles de l’Etat investisseur, de l’éducation nationale, des milieux de la recherche et des circuits de financement des entreprises.
L’ouvrage est solidement documenté par des références à la fois philosophiques, des rappels historiques et des exemples pratiques.
Anais VOY-GILLIS est docteure en géographie et auteure de plusieurs ouvrages d’histoire industrielle.
Note de Jean-Jacques Pluchart