L’introduction de la monnaie métallique lydienne, environ 600 ans avant notre ère, marque un tournant majeur dans les échanges économiques. Grace à Crésus et à l’électrum de la rivière Pactole, la monnaie devint un outil universel facilitant le commerce et contribuant à la prospérité des civilisations. Grecs et Romains adoptèrent ce système, base de l’économie moderne. Puis cette monnaie va connaître aux cours des siècles, deux métamorphoses qui vont conduire à sa dématérialisation. La monnaie papier, les lettres de change, est créée à la fin du Xème dans la Chine des Song, puis démocratisée lors des croisades et par les premiers banquiers italiens, créant les premiers réseaux internationaux de paiement. La monnaie scripturale, avec l’essor des comptes bancaires au XXème siècle, vient conclure cette dernière transformation de la monnaie.
La monnaie sous toutes ses formes répond à trois caractéristiques fondamentales. C’est une unité de compte, un instrument d’échange et une valeur de réserve. On peut lui en ajouter une quatrième, elle constitue un symbole politique et social et crée un sentiment d’appartenance à une communauté.
Alors quid des cryptos-actifs, le symbole ultime de la dématérialisation, allant jusqu’à supprimer les banques centrales et la confiance qui va avec ? les auteurs, de façon très pédagogique et documentée nous présentent ces différents rêves de « monnaie » antiétatique, mais également les stable coins et les nouvelles monnaies numériques des banques centrales et la compétition acharnée entre tous ces actifs.
Mais quelle soit « fiat » ou numérique, deux monnaies s’affichent comme les deux principales monnaies de réserves, le dollar US et l’euro. Mais il existe une asymétrie en faveur du dollar qui reste la monnaie privilégiée des échanges internationaux et qui bénéficie de la fameuse extraterritorialité. Alors une « dédollarisation » essaie de se mettre en place avec l’utilisation de nouveaux instruments financiers promus par les BRICS ainsi que des achats massifs d’or pour contourner le dollar. Quel avenir pour cette dédollarisation, quelles influences sur la mondialisation, le poids du Yuan, quelles limites. Pour Ch. De Boissieu et M. Schwartz l’hypothèse la plus probable est que l’on se dirigera vers une triade économique et financière dans laquelle euro et yuan gagneront en crédibilité mais où le dollar continuera à être la devise privilégiée.
Enfin les auteurs s’attachent au développement d’une théorie qualitative de la monnaie, nécessaire, entre autre mais surtout, au financement de la transition énergétique. Car ces financements par nature de très long terme et avec une rentabilité assez aléatoire et qui, de plus, arrivent dans un contexte de forts endettements publics et privés, nécessiteront un changement de paradigme avec des épargnants privilégiant la qualité du bien à sa quantité. Avec cette approche, la monnaie ne se réduira pas à son taux de change, mais elle devra incarner un rôle politique social associé à cette qualité.
Christian de Boissieu est professeur émérite à Paris Panthéon Sorbonne, vice-président du cercle des économiste. Marc Schwartz est PDG de la Monnaie de Paris, Conseiller-maitre à la Cours de comptes.
note de Ph Alezard