BIASONI Sami, Le statistiquement correct, Eds du Cerf, 264 pages.

La lecture du livre de Sami Biasoni s’impose en ces temps de joutes électorales dont les armes se présentent notamment sous forme de statistiques et de graphiques. L’auteur s’efforce, à l’aide d’observations scientifiques et d’études de cas célèbres, de démontrer la validité de certains aphorismes, comme la loi de Brandolini (« l’énergie nécessaire pour démonter une ineptie est deux fois supérieure à celle déployée par son auteur »), la formule de Winston Churchill (« je ne comprends que les statistiques que j’ai moi-même manipulées ») ou celle de Mark Twain (« les faits sont têtus, il est plus facile de s’arranger avec les statistiques »).

Sami Biasoni reconnaît que la statistique n’est pas réellement une science, mais est un « outil discursif », une « discipline qui requiert compétence et honnêteté », un « instrument de légitimation de l’action publique » .  Reprenant les célèbres travaux de Tversky  et Kahneman, il énumère les multiples biais, en les illustrant d’exemples convaincants, qui sont de nature à orienter les jugements étayés par des chiffres : non représentativité d’un échantillon, orientation performative d’un questionnaire, biais d’ancrage, de cadrage, de confirmation, de sélection,  de spécularité,  systématiques, introduits par l’intelligence artificielle…

L’auteur dénonce le caractère spécieux des données les plus citées en matière d’écarts de salaires entre hommes et femmes, d’influences des écrans sur la violence et l’apprentissage des enfants, de statistiques basées sur les prénoms des immigrés (les dernières études montrent que les prénoms les plus courants des enfants de la 3e génération d’immigrés sont Nicolas et Yann), des surcoûts présumés de l’immigration, des contrôles faciaux dans les rues, de la fraude aux prestations sociales… Il constate que les statistiques citées dans les débats visent de plus en plus à « faire illusion » n’étant que des « simulacres d’objectivité ». Il attribue cette dérive au recul des mathématiques dans l’enseignement français. Il conclut l’ouvrage par des leçons méthodologiques de debunking (« défalsification » des statistiques) et de fact checking (vérification des sources).

Sami Biasoni (docteur en philosophie de l’ENS) enseigne à l’ESSEC.

Chronique rédigée par J-J.Pluchart

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