L’ouvrage est monumental par son objet – l’histoire des entreprises multinationales – mais aussi par le nombre de ses auteurs (56 ) et par son volume (853 pages). Il parait à un tournant de l’histoire des multinationales alors que leur expansion est menacée par le relèvement des droits de douane, par la multiplication des normes environnementales et le renforcement des règles de concurrence. Leur richesse, leur puissance et leurs pratiques nourissent les imaginaires – et parfois les fantasmes – des populations à la fois de l’occident et du sud-global. Elles sont parfois accusées d’être à l’origine de certaines crises ou dérives dont souffrent les Etats Iindustriels et les pays en développement.
L’ouvrage se présente sous la forme de courts récits documentés et d’articles journalistiques présentés suivant un ordre chronologique, depuis 1857 ( la création du groupe Singer) jusqu’à 2025 (l’agrobusiness et l’industrie minière au Brésil). L’ambition des auteurs est de « réintroduire les péripéties des multinationales dans la grande histoire mondiale ». Ils veulent révéler les véritables roles exercés par les acteurs-clé de la vie économique et sociale depuis près de deux siècles. Ils se défendent d’avoir écrit un « livre noir » de plus sur les agissements de certaines entreprises, bien que certains articles rappellent leurs dévoiements post-colonialistes, monopolistiques, commerciaux, financier, fiscaux… En fait, la plupart des récits mettent en lumière les avancées connues – et parfois inconnues – à la fois techniques, économiques et/ou sociales, qui ont été engendrées par certains grands projets des multinationales.
Par la diversité des approches et des styles adoptés par les auteurs, le livre montre que les questionnements soulevés par les pratiques des multinationales ne couvrent pas que des problématiques académiques ou des débats politiques, mais qu’elles interpellent tous les citoyens par l’intermédiaire des médias et des réseaux sociaux. Au fil des chapitres, le lecteur de l’ouvrage perçoit l’ampleur, la dynamique et la complexité des systèmes de multinationalisation de l’industrie, de la finance et des échanges commerciaux, qui impliquent à la fois les acteurs privés et publics, les producteurs et les consommateurs, les détenteurs d’un pouvoir ou d’un contre-pouvoir. Le lecteur comprend alors mieux pourquoi certaines multinationales tentent de « verdir » et de « socialiser » leurs images, car elles savent, « qu’à l’instar des civilisations, elles peuvent être mortelles ».
Les auteurs sont enseigants-chercheurs, avocats, journalistes et responsables associatifs.
Note de J-J. Pluchart