Eds passés composés, 2024, 528 pages
Le premier grand ouvrage de Charles Serfaty surprend par l’ampleur de son objet et l’ambition de son projet. L’auteur réécrit l’histoire économique de la France en remettant en question plusieurs de ses idées reçues, paradoxes et ambiguïtés. Il conteste l’hypothèse de Max Weber selon laquelle le capitalisme aurait été engendré par le protestantisme. Il soutient que dans certains groupes sociaux l’esprit entrepreneurial préexistait aux conversions à la religion réformée et il explique que la relance économique de la Mittle Europa à partir du XVIIIe siècle est notamment due à l’immigration de protestants français après la révocation de l’édit de Nantes. L’auteur révèle également que le Moyen âge a été marqué par de fortes croissances à la fois démographique et économique, et que la révolution de 1789 a contribué au décollage de l’économie française. Il explique que le décrochage de l’économie européenne face à l’essor des Etats-Unis est dû à plusieurs erreurs des gouvernants : la dévaluation du franc après la crise de 1929 ; le dirigisme économique de l’après-guerre imposé paradoxalement par des libéraux ; les nationalisations socialistes françaises en pleine libération des marchés mondiaux ; les restrictions à la concurrence au cours des années 2000…
Au-delà des idées, les illustrations sont elles mêmes originales, sous formes de graphiques, cartes, infographies, mais aussi chansons et citations choisies d’écrivains célèbres comme Marcel Proust. La narration de l’engouement des français pour les innovations techniques au XIXe siècle est plus convaincante que certains modèles économétriques, pour expliquer l’expansion économique et sociale du Vieux continent.
L’étonnant livre de Charles Serfaty introduirait- il un nouveau courant historique – celui de « la nouvelle nouvelle histoire »-, un siècle après la naissance des Annales de Marc Bloch et de Lucien Febvre ? Il pourrait à tout le moins être le premier livre sélectionné pour le prix Turgot 2025
Charles Serfaty (31 ans) est un ancien élève de Normale sup Ulm et de Daniel Cohen. Il est diplômé de l’ENSAE et Phd du MIT.