Le 26 avril 1956, Malcolm Mc Luan, gérant de stations services, a fait embarquer le premier container commercial dans le port de Newark. Ce container a révolutionné le transport de marchandises par les voies interopérables, à la fois maritimes et fluviales, aériennes, ferrées et routières. Cette brique élémentaire de la logistique industrielle a permis de construire une supply chain qui s’est déployée à l’échelle planétaire. Ce système a provoqué une véritable « destruction créatrice » dans les différents métiers de la logistique (dockers, grutiers, transporteurs, traders…), mais aussi dans les constructions navale, aéronautique et automobile, ainsi que dans le génie civil (les routes, les quais et les docks). Ce vaste redéploiement a été favorisé par la recherche d’économies d’échelle, de gains de productivité, d’une standardisation des produits transportés, d’une réduction drastique des coûts de transport et d’une meilleure sécurité des échanges. Ces avancées, conjuguées à des baisses des droits de douane, ont permis de globaliser et d’intensifier les échanges entre les continents, les pays et les régions. Les flux des containers ont fluctué en fonction des taux de croissance économique et des accords de libre échange. Ils ont prospéré en dépit des critiques dénonçant les destructions d’emplois, les naufrages et les accidents routiers, ainsi que les pollutions de l’eau et de l’air.
Ce maillage logistique universel a été partiellement déconnecté pendant la période de la covid et il risque d’être redéployé et partiellement désactivé par le ralentissement des échanges qui va résulter du relèvement des droits de douane décidé par la nouvelle présidence des États – Unis. Ce retour au protectionnisme va probablement réactiver les projets industriels et les mouvements sociaux en faveur des modes de transport de proximité, de la relance de la navigation fluviale, du transport multimodal fer – route, de la distribution en vrac, de la relocalisation de la production et de l’organisation de la production en flux tendus et du zéro -stock, et d’une manière générale, du raccourcissement de la supply chain… La logistique de demain est conditionnée par les résultats de l’expérience américaine (peut être éphémère) de « déglobalisation » des échanges mondiaux, mais les infrastructures logistiques actuelles, basées sur l’écosystème des containers, devraient perdurer en s’adaptant aux besoins et aux contraintes spécifiques de transport et de stockage des activités industrielles et commerciales. La question est donc peut être moins de réfléchir à la logistique que « nous voulons pour demain », qu’à celle encore « possible pour demain ».
Chronique de Jean-Jacques Pluchart