L’AVENEMENT DU L’AUDIT EXTRA-FINANCIER

L’AVENEMENT DU L’AUDIT EXTRA-FINANCIER

Jean-Jacques Pluchart

La nouvelle directive européenne CSRD[1], publiée le 16 décembre 2022, constitue une avancée significative dans les pratiques des managers – notamment des DAF et des responsables de la RSE -, mais aussi des métiers du chiffre et du droit. La directive CSRD imposera progressivement un « reporting de durabilité » à toutes les entreprises (hors micro) selon un calendrier échelonné des années de référence 2024 à 2028. Les données publiées par les entreprises devront être auditées et certifiées par des tiers indépendants (les PSAI[2]) comprenant des cabinets spécialisés de contrôle de conformité, des avocats et des commissaires aux comptes spécialement formés aux différentes disciplines (techniques, juridiques, comptables) mobilisées par la RSE et le développement durable. Ces auditeurs supervisés par le Haut Commissariat aux comptes (H3C) rebaptisé Haute Autorité de l’Audit (H2A), pourront être assistés par des applications de type Chat GPT, les renseignant sur les règles, normes ou marqueurs applicables ou observables dans les principaux secteurs d’activité. Quelques mois plus tard, le 26 juin  2023, l’ISSB[3] créé en 2021 lors de la COP 26, publiait deux premières normes climatiques (IFRS S1 et IFRS S2) applicables à l’international. Les deux référentiels présentent des différences notables.

Les rapports durabilité publiés par les entreprises européennes afficheront des indicateurs répartis en 4 types de normes ESG (transversales, environnementales, sociales et de gouvernance) et  13  standards de soutenabilité ( ESRS[4]).  Alors que l’Union européenne s’était alignée sur les standards anglo-saxons de comptabilité financière  (IFRS[5]), le référentiel  extra-financier européen (CSRD[6]) se distingue des référentiels américain (RCRD[7]) et international (ISSB[8]).  La Commission préconise  l’application de la double matérialité, à la fois financière et matérielle, des « impacts, risques et opportunités » résultant des activités des entreprises, alors que les référentiels anglo-saxons se limitent aux enjeux financiers.  L’approche   européenne comporte de multiples implications :  Comment anticiper et mesurer les risques encourus par l’entreprise et son écosystème ? Comment identifier et classer les parties prenantes internes et externes incluses dans les chaînes de création de valeur des entreprises ? Comment cartographier les interactions entre l’entreprise et ses différentes parties prenantes ? Comment détecter et pondérer leurs impacts, risques et opportunités?   Comment présenter avec concision leurs stratégies et leurs modèles d’affaires sans révéler certains projets ou secrets d’affaires ? Comment définir les rôles et les responsabilités des différents organes de gouvernance et de direction impliqués dans la réalisation des 17 objectifs développement durable (ODD) fixés par les accords de Paris en 2015 ? Comment assurer la traçabilité des sources et la validité des mesures des impacts globaux et spécifiques, positifs et négatifs, induits à court, moyen et long termes par les activités des entreprises et de leurs parties prenantes, dans les périmètres de leurs écosystèmes ? Quelle métrique adopter afin de rendre les indicateurs robustes et comparables ? Comment rendre le rapport compréhensible par les multiples acteurs et observateurs des activités des entreprises ? Comment rendre comparables les indicateurs entre les entreprises d’un même secteur et/ou d’un même territoire ? Comment pondérer, agréger et consolider tous les indicateurs au sein d’un même groupe ?

La rédaction des rapports de durabilité conformes aux CSRD, qui vont se substituer aux DPEF[9], soulève des problématiques dont la résolution exige de mobiliser à la fois des gestionnaires, des comptables, des financiers, des universitaires et des experts de diverses disciplines, dont la coordination  relève de l’Impact, Risk and  Opportunities (IRO)  Management. Ce nouveau mode de pilotage stratégique et opérationnel de l’entreprise est encore dans sa phase d’apprentissage, car ses concepts et ses modèles ne sont pas tous stabilisés et sa mise en œuvre suscite des débats dans les milieux professionnels et scientifiques. Les analyses des DPEF des entreprises françaises réalisées notamment par l’Autorité des Marchés Financiers et par les agences de notation extra-financières, montrent   que les données des entreprises ne sont pas toujours suffisamment  tracées, suivies dans le temps et comparables au sein d’un même secteur d’activité. Enfin et surtout, l’application des nouvelles normes CSRD devrait rendre publique la démarche de réflexion stratégique qui relevait jusqu’à présent des actionnaires et des dirigeants des entreprises. Cette transparence  devrait entraîner la limitation du green and social washing et la révision de certains paradigmes fondateurs du management.


[1] Corporate Sustainability Reporting Directive

[2] Prestataires de Services d’Assurance Indépendants

[3] International Sustanability Standards Board

[4] European Sustainability Reporting Standards

[5] International Financial Reporting Standards

[6] Corporate Sustainability Reporting Directive

[7] Rule on Climate-Related Disclosure 

[8] International Sustainability Standards Board

[9] Déclaration de Performance Extra-Financière

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