La découverte, 2024 , 493 pages.
Le dernier livre de Geneviève Pruvost traite de « l’économie de la subsistance en milieu rural », pratiquée en France par près de 400 000 personnes souvent en situation de grande précarité. L’auteure révèle les idéologies et les pratiques de la population méconnue des « ruraux alternatifs » vivant en « habitat léger » (tentes, yourtes, caravanes, hangars …) et constituée en majorité de jeunes issus de familles agricoles, mais aussi de milieux urbains adhérant aux thèses écologiques, anticapitalistes et décroissantes. Ces derniers se distinguent des 350 000 agriculteurs traditionnels, indépendants ou salariés, dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté, ainsi que des 300 à 400 000 gens du voyage.
Les acteurs du « care environnemental » cumulent diverses activités vivrières exercées sur des parcelles agricoles délaissées: permaculture, micro-élevage, apiculture, glanage, artisanat, éco- construction … Il retrouvent les gestes des chasseurs-cueilleurs primitifs. Ils reflètent une forme cachée de l’économie de guerre. Ils tiennent une ethno-comptabilité de leurs objets du quotidien. Ils s’efforcent de s’affranchir des règles, des normes et des usages sociaux. Leurs échanges hors des circuits traditionnels sont basés sur le troc. Leurs modes de vie poly chroniques exigent une grande discipline afin d’économiser les ressources en essence, en électricité et en matériel. Ils sont présents sur les « chantiers participatifs », les « ateliers associatifs » et les « marchés bio alternatifs ». Ils sont solidaires sur le plan matériel, mais parfois opposés sur celui des idées. Ils ne participent pas aux mêmes luttes que celles des agriculteurs soumis aux normes européennes. Ils pratiquent selon le cas des « luttes feutrées » ou des « luttes frontales » contre tous les projets censés porter atteinte à la nature et à la société. Ils adhèrent généralement à des associations non reconnues et à des réseaux sociaux alternatifs. ils s’opposent notamment à certaines pratiques de l’agriculture traditionnelle : culture et élevage intensifs, traitement phytosanitaire, bassines…
L’auteure fait preuve d’une grande créativité conceptuelle, mobilise une approche originale de son terrain par des récits ethnographiques et puise ses nombreuses références dans la littérature foisonnante, en majorité féminine, de l’économie et de la sociologie de la subsistance.
Geneviève Pruvost, médaille de bronze du CNRS, est sociologue et diplômée de permaculture, directrice de recherche au Centre d’étude des mouvements sociaux (EHESS).
Chronique rédigée par J-J. Pluchart