Croissance du PIB et du CO2 : réflexions sur l’identité de Kaya
Chronique rédigée par Sophie Friot
La littérature et les études relatives aux transitions énergétiques et écologiques abordent régulièrement l’identité de Kaya, afin d’analyser l’impact humain sur le climat et comprendre le lien entre évolution du PIB et évolution du carbone.
Il serait trop simple d’établir une corrélation entre croissance du PIB et croissance d’une énergie carbonée ; et d’en déduire que la solution à l’augmentation des gaz à effet de serre serait tout simplement la décroissance.
Cette équation est un « outil » utilisé dans de nombreuses recherches afin de mieux identifier les leviers d’action pour tendre vers un monde économiquement durable et moins carboné.
Elle est utilisée entre autres par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ainsi que par l’Agence internationale de l’énergie pour analyser l’évolution des émissions de CO2 des énergies fossiles.
Ce concept fait référence à l’économiste japonais Yoichi KAYA spécialisé dans l’énergie et l’environnement, qui l’a exposé en 1993 dans son ouvrage « Environment, Energy, and Economy : strategies for sustainability ».
Il a démontré que l’augmentation de la consommation d’énergie associée au développement économique pouvait varier selon le niveau démographique, les sources d’énergie, et selon les régions (pays occidentaux vs pays en développement).
Elle se définit comme suit :

La composante de l’intensité énergétique du PIB correspond à la quantité d’énergie nécessaire pour arriver à un résultat ou à une production. Dans les pays occidentaux, l’intensité énergétique de l’économie est sur une pente descendante depuis le début de l’ère industrielle. Cette forte baisse a été engendrée après les 2 chocs pétroliers, par le développement du nucléaire et des énergies renouvelables. A noter que l’anomalie de la période de crise sanitaire en 2020 pendant laquelle l’intensité énergétique avait rebondi à la hausse était liée au fait que la baisse de la consommation d’énergie a été moins forte que précédemment en raison de la chute temporaire du PIB.
Une autre composante de l’équation, très liée à la précédente, est l’intensité carbone et correspond à la part de CO2 sur le total de l’énergie consommée.
L’intensité carbone a suivi cette même tendance depuis le début du XXème siècle avec le poids croissant de l’utilisation du pétrole et du gaz au détriment du charbon, moins émetteur de CO2 que ce dernier ; le mouvement s’est accéléré depuis les années 80 avec la montée du nucléaire et des énergies renouvelables, telles que l’éolien ou le photovoltaïque.
Suite aux effets des 2 chocs pétroliers des années 70, il convient de dissocier l’évolution du PIB et de la consommation d’énergie. On parle dans ce cas de découplage :
- partiel quand les émissions croissent moins vite que le PIB,
- absolu quand les émissions diminuent tandis que le PIB augmente, autrement dit c’est la croissance verte.
A l’heure où Donald Trump fait de l’exploitation du pétrole et du gaz de schiste une de ses priorités et que la Chine est toujours dépendante du charbon pour la majorité de sa production d’énergie, on peut s’interroger sur le point de savoir s’il est encore possible d’aboutir à un découplage total et mondial pour respecter les objectifs Zéro Emission Nette d’ici 2050.
En conclusion, restons optimiste car à défaut de découplage total, le découplage partiel est possible par les leviers tels que :
- l’amélioration des technologies dans la construction,
- la rénovation énergétique des bâtiments,
- l’électrification des transports,
- la progression vers un mix énergétique moins carboné : développement des énergies renouvelables et recul au recours du charbon dans les énergies fossiles.
En Allemagne, la fermeture des dernières centrales nucléaires n’a pas freiné le recul des énergies fossiles, tels que le lignite, face au développement des énergies renouvelables.
« Objectif ZEN – La transition énergétique » de Fanny HENRIET et Katheline SCHUBERT de l’ouvrage collectif « Gouverner. La démocratie, un enjeu crucial »
« Nucléaire contre renouvelable » Michel ALLE