Ce livre semble surréaliste mais il n’est pas irréaliste. Son objet ne couvre t il pas un rêve ultime ? Celui d’une liberté absolue d’actions, sans conditions ni pression, d’une éducation centrée sur la créativité et l’imagination stimulée sur tous types d’écrans (téléviseur, plateformes, apps …), d’un développement de projets illustrant des passions les plus insolites sans grande concurrence, de fortunes dépassant le PIB de plusieurs pays occidentaux, de recours à des optimisations fiscales légales, d’une puissance défiant les Etats, d’un modèle disruptif de nouveau monde aux antipodes de l’ordre mondial actuel.
Dans un style concis et vivant, Christine Kerdellant se livre à un audit des visions futuristes d’une poignée d’influenceurs à la fois milliardaires et américains. Leur vision de changement social à portée extra planétaire pourrait saper les fondements mêmes du capitalisme.
Opportunités pour l’humanité ou menaces pour la démocratie ? Leur puissance n’émane pas uniquement de l’immensité de leur fortune, mais pour certains, de leurs activités high tech en situation de monopole, et pour d’autres, de leur diffusion de données sensibles à une fraction de l’humanité. Pour l’autrice, cela pose un problème d’éthique et de responsabilité de la part des Etats. Dans son ouvrage, elle attise la curiosité du lecteur afin d’alerter sur l’absence de limites et de contrôles de ces projets, entraînant une mainmise de plus d’un tiers de satellites impactant les stratégies militaires, le déploiement d’implants sur les humains dans un cadre médical, l’exploitation de milliards de données à des fins politiques … Ces rêveurs passionnés de science-fiction ne sont pas loin de supplanter l’Etat qui selon eux se contente de les taxer à outrance.
Un contrôle des Etats, est-ce pure fiction ? Le modèle Chinois où l’Etat prend le contrôle des activités des milliardaires est il plus approprié ? Le modèle européen où l’Etat régule en taxant fortement les grandes fortunes?
Le capitalisme à l’américaine incluant la notion de liberté économique ayant atteint un niveau incontrôlable, ne reflète-t-il pas rêve américain qui offre l’opportunité de prospérer en toute liberté ? Dans l’ idéal, dans tous types de modèles, il faudrait des gardes fous (des » sages »).
Pour l’instant, et avec le support de leur gouvernement, les « milliardaires plus forts que les Etats » continuent donc à vivre leur rêve américain.
Christine KERDELLANT est essayiste et journaliste économique. Elle a étudié l’économie à l’Université de Caen et a intégré HEC. Parallèlement à sa carrière de journaliste, elle a écrit plus d’une quinzaine d’essais et romans.
Chronique de Pona SAMNIK