Ce livre collectif, rédigé par des universitaires africains, soulève la problématique de l’adaptation des économies et des sociétés africaines aux changements technologiques, économiques et sociaux du monde contemporain. Ils s’interrogent sur la place que pourrait – ou devrait – occuper le continent africain face aux pays occidentaux, à l’Europe, à la Chine et aux autres pays du Sud global. Les auteurs s’efforcent d’apaiser la tension existant depuis plus d’un demi siècle, entre l’héritage des traditions post-coloniales et les impératifs post-modernes fondés sur l’innovation, l’individualisme et les libertés. Ils définissent la modernité comme étant « une construction historique visant à libérer l’individu des contraintes sociales et culturelles » et ils s’interrogent sur la capacité des populations africaines à s’adapter au progrès technique et social, par des actions collectives coordonnées et par des réformes institutionnelles et structurelles. Ils estiment impératif de penser la « modernité africaine active » non comme une imitation des modèles occidentaux, mais comme une construction plurielle, alliant science et conscience, propre aux réalités du continent. Pour répondre à leurs interrogations, les auteurs appliquent une démarche principalement ethnométhodologique, conjuguant des analyses théoriques et des observations pratiques.
Plusieurs chapitres méritent une lecture attentive. Mbembe conçoit la « modernité post-traditionnelle » comme caractérisée par un désancrage des pratiques sociales et une reconfiguration de l’espace-temps, une différenciation des sphères sociales et une meilleure réflexivité institutionnelle, selon une perspective ouverte par le sociologue britannique Gidden. W-A. Beyi et S-D. O. Ilboudo, réfléchissent sur l’appropriation des technologies de l’IA, qui constitue un des principaux défis à la fois technologique, économique et éthique des pays d’Afrique. B. Yampa et N.C. Tiemtoré montrent l’adhésion massive des populations aux monnaies numériques pour des usages pratiques. S. J. Ouédraogo s’intéresse à la difficulté de transmettre des connaissances sur les nouvelles technologies. Il s’efforce de « repenser l’épistémologie des sciences en Afrique, en considérant les cultures africaines comme des stratégies de mieux-être ». K. Wiebke constate une opposition entre les approches ethnologique et anthropologique adoptées dans les « African Studies », tandis que W. Keim relève les dimensions paradoxales en science sociale entre le Nord et le Sud de l’Afrique. N. Kokouvi-Edem et A. Kouméalo s’interrogent sur les pratiques de l’action collective en Afrique et notamment, sur la gestion des projets de développement respectueux de l’environnement.
L’ouvrage restitue donc les attentes de l’élite et de la jeunesse africaines confrontées à un avenir prometteur mais incertain.
Jean- Jacques Pluchart
