282 pages (prix du jury Turgot 2009).
L’ouvrage de Daniel Cohen ne laisse de surprendre. Il cite Malthus dénonçait la guerre et la misère, qui brisent l’expansion démographique, mais qui ajoute avec cynisme « que tout ce qui contribue à accroître la mortalité peut se révéler une bonne chose en réduisant la compétition ». De même, « les Japonais, modèle absolu de propreté, sont plus nombreux mais plus pauvres ». C’est le règne de « la prospérité du vice. » Du côté de la vertu, s’éloignant du marquis de Sade, Daniel Cohen souligne que « les hommes, par leur nombre même, multiplient les découvertes, repoussent les frontières du savoir et continuent leur course » ; ainsi peut-on penser que le prochain Mozart sera sans doute chinois, puisque 60 millions d’entre eux font de la recherche. Le livre retrace « un voyage inquiet traversé de questions graves » : quels poisons et vices cachés ont anéanti l’Europe ? Le monde qui s’occidentalise pourrait-il répéter les tragédies européennes, en Asie ou ailleurs ? « La Chine m’inquiète », précise l’auteur. La planète pourrait-elle éviter un nouveau suicide collectif, écologique cette fois ? Où va le capitalisme ? Où entraîne-t-il le monde ? Le cybermonde aussi meurtrier saura-t-il, in fine, permettre à l’humanité de s’évader dans un effort collectif aussi immense que celui qui fut réalisé lors de la révolution néolithique ou de la première révolution industrielle ?
Daniel Cohen démontre une nouvelle fois à travers cette parution sa culture exceptionnelle à la confluence de nombreuses sciences – histoire, économie, philosophie. Ce voyage à travers l’histoire et dans le présent est accompagné d’un sens aigu de la pédagogie.
Chronique rédigée par Jean-Louis Chambon