Le dernier livre de Nicolas Tenzer délivre une utile leçon de diplomatie internationale après les bouleversements occasionnés notamment par les guerres en Ukraine et en Israël, ainsi que par le mouvement MAGA aux États- Unis. Ces phénomènes ont désorganisé l’ordre international mis en place à la fin de la seconde guerre mondiale et ont rendues plus improbables les relations entre les blocs. L’auteur s’efforce de dresser une cartographie des États-nations en fonction de leurs rapports de force. Il classe logiquement les États-Unis et la Chine parmi les puissances globales mais il les considère en perte de vitesse. Il qualifie de puissances trans-régionales la Russie et les anciens pays colonisateurs comme la France, le Royaume uni, l’Espagne et l’Italie (il ne se prononce pas clairement sur le statut de l’Allemagne et du Japon). Il estime qu’une douzaine d’États, comme la Turquie (dont la politique est longuement étudiée), le Mexique, le Brésil, l’Indonésie ou l’Afrique du sud, ont un statut de puissance intermédiaire. Les autres États n’ont pas la masse critique suffisante pour influencer d’autres États, comme les pays baltes et les pays de l’Europe de l’Est, mais l’auteur considère qu’ils pourraient exercer un rôle de plus en plus déterminant à l’avenir dans le concert des nations.
Nicolas Tenzer érige l’Ukraine en exemple « d’État héroïque » défendant les principes démocratiques et il s’indigne des contre-vérités proférées à son encontre par la Russie. Il reconnaît que son agression a contribué à fédérer la plupart des pays membres de l’Union européenne. Il estime qu’une victoire de l’Ukraine devrait contribuer à pacifier les relations internationales, à restaurer les valeurs démocratiques et à « démanteler l’appareil mental » de la Russie fondé sur des contre-vérités. Il appelle de ses vœux la construction d’un nouveau modèle de relations fondé non plus sur la force mais sur des valeurs démocratiques de responsabilité et de vérité.
L’ouvrage reflète l’universalité des connaissances de l’auteur et la profondeur de ses analyses. Il est servi par un style créatif et pédagogique. Sa lecture contribuera à une meilleure compréhension des nouveaux équilibres entre les nations.
Nicolas Tenzer (Normale sup, Sciences po, ENA) a été enseignant à Sciences Po et à Paris School of International Affairs. Il a été membre du cabinet du ministre de l’Économie et des Finances (1987-1988), rapporteur à la Cour des comptes (1991-1993), chef de service au Commissariat général du Plan (1994-2002), et responsable d’une mission interministérielle sur l’expertise internationale (2007-2008). Il est président fondateur du Centre d’étude et de réflexion pour l’action politique (CERAP),
J-J.Pluchart
