Selon une habitude maintenant bien ancrée, Nicolas DUFOURCQ assène des vérités sur l’économie française qui sont objectivées par un grand nombre de statistiques et d’analyses propres, et » justifiées », dans une deuxième partie de l’ouvrage par des témoignages et entretiens. Son constat est le suivant : « Le secret de famille de la société française n’est pas la dette. Tout le monde en connait l’existence. Mais c’est qu’elle est sociale. Deux tiers de la dette publique française financent des prestations sociales. Il s’agit d’un crédit à la consommation, et non d’un investissement dans l’avenir. Elle paie les factures mensuelles de millions de nos concitoyens ».
Ce « défaut » de l’économie française ne date pas d’hier mais suit une lente dérive s’inscrivant dans 11 périodes depuis 1969, époque de « nouveaux droits et grands prélèvements » à celle des « infortunes du COVID » en passant par « les débuts du franc fort », « les marchés font tourner la gauche », « la crise financière » de 2007-2012, et deux « occasions manquées » en 1988-1993 puis 1997-2002.
On distingue que les responsabilités ne sont pas liées spécifiquement à des programmes de droite ou de gauche en tant que tels mais à une suite de renoncements, d’ambitions mal venues. Toutefois, ils semblent que des décisions à contre-courant ont été nombreuses : ouvertures de nombreux droits lors du premier choc pétrolier, 35 heures lors de la reprise mondiale en 1997 et de l’arrivée active de la Chine dans les échanges mondiaux et le « manque de chance » de la crise de 2007 et le COVID en 2020. Manque de chance ou insuffisante préparation du pays à une résilience endogène face aux désordres mondiaux. Il convenait alors de compter « sur les autres », un plan européen, un soutien « quasi garanti » de la part de la BCE, une reprise en Allemagne depuis 2024, tous signes d’une perte de contrôle par la France de son destin ! Et la discussion actuelle au Parlement se concentre sur un trimestre de retraite et la taxation. Le propre de l’addiction à la dette sociale liée au fait que « l’Etat n’a pas su protéger ses citoyens en 39-45 » et que le Conseil National de la Résistance a décidé de « corriger » cette erreur…ad vitam, indépendamment des évolutions du monde.
Cela a conduit à entretenir une fiction selon laquelle il y avait d’un côté la Sécurité Sociale avec des cotisations considérées comme des primes d’assurance, et de l’autre ce qu’on a appelé « l’assistance ». Sauf qu’en parallèle, l’Etat a créé de « nouvelles solidarités et un continent de droits sociaux, non liés au travail » avec des transferts dans tous les sens conduisant à ce que 58% des dépenses publiques soit d’ordre sociales. Ainsi « le cheval du social galope devant le cheval de l’économie car il est dopé à la poudre blanche de la dette ».
Quelques verbatim illustrent le propos. « Les partenaires sociaux n’hésiteront pas à augmenter les cotisations sociales de façon systématique, entrainant une hausse du coût du travail annonciateur du chômage de masse des années 1980-1990 ». « Raymond Barre, lui-même ne croyait pas à la possibilité de baisser les prélèvements obligatoires ». « On peut dire qu’aujourd’hui, une partie des 80 Milliards d’euros d’allègement de charges sociales dans le budget de l’Etat viennent compenser des décisions d’augmentation de cotisations prises dans les années 1970 par Raymond Barre »
Tous responsables, mais aucun n’est coupable ; or sans prise de conscience des responsabilités, aucune solution systémique ne peut valablement être pensée ni a fortiori mise en œuvre.
Un Etat providence exige une démocratie mature, et la nôtre ne l’a pas été. C’est notre lenteur et nos retards que nous payons. Il faut affirmer le droit des Français de demain à ne pas être chargés du souci de rembourser la dette de consommation de leurs grands-parents. « Les esprits sont mûrs, selon l’auteur, pour une règle d’airain » et « s’il n’y a pas d’autre moyen que d’imposer une règle d’équilibre des dépenses sociales, alors il faudra proposer aux Français de l’imposer par ordonnance au lendemain d’une élection présidentielle ».
Dominique CHESNEAU


