En ces temps de besoins d’investissements, pour répondre aux transitions énergétique, environnementale, économique et … budgétaire, la tentation de l’opinion est de rechercher des réponses (des coupables ?) du côté des prétendus « nantis » de la société et du « grand capital. » Rien de très nouveau en soi, sauf l’invitation de l’épargne dans cette quête jamais assouvie de nouveaux boucs émissaires.
Le débat séculaire qui divise les économistes retrouve de l’actualité, sur le point de savoir si l’épargne (qualifiée en France d’excessive) – mais immuable comme valeur de vertu républicaine – risquerait de devenir un frein pour l’investissement, la croissance, l’emploi et in fine pour la demande elle-même. Cette nouvelle parution de la REF, qui s’appuie sur une pléiade de prestigieux économistes vient à point nommé. En trois chapitres richement documentés, les auteurs apportent à la réflexion à la fois des éléments factuels, de contexte et une vision stratégique de long terme.
Le premier chapitre s’attache à dresser un panorama des évolutions de l’épargne en France comparé à celui de l’Europe, tandis que le second chapitre traite de l’hétérogénéité des comportements d’épargne sur plusieurs dimensions (par rapport à la détention d’actifs risqués, en fonction des caractéristiques du ménage, du cycle de vie des produits, et du rôle des politiques publiques. Enfin la troisième partie éclaire la grande question de la mobilisation de l’épargne privée, au service de l’économie française et européenne.
On retiendra qu’en France, si les particuliers épargnent beaucoup (15% en moyenne de leurs revenus soit au-dessus des principaux pays de l’OCDE, ils le font … plutôt mal, en privilégiant les actifs liquides et les moins risqués. La faible détention d’actions et l’accroissement du stock d’actions étrangères, ont des conséquences néfastes en termes de souveraineté et de compétitivité pour notre pays. Le besoin d’une réglementation privilégiant moins les actifs «sûrs et liquides » est appelé par l’ensemble des acteurs financiers et assureurs, banques et gérants d’actifs .Les auteurs plaident pour une accélération de la mise en œuvre d’une véritable «Union pour l’ épargne et l’ investissement », en identifiant quatre chantiers prioritaires : redessiner les infrastructures de marché pour réduire les coûts, unifier la supervision des marchés de capitaux pour un meilleur partage des risques , relancer la titrisation , financer la transition verte et promouvoir l’industrie européenne du capital-risque finançant les entreprises innovantes.
Comme le montre cette remarquable parution, le nouveau chemin qui semble s’ouvrir pour l’épargne est couvert de belles promesses… sans doute encore longtemps accompagnées de cette formule de la sagesse populaire : «Qui n’épargne pas un sou n’en aura jamais deux ».
Marie-Laure BARUT-ETHERINGTON est DGA à la Banque de France. Pierre BOLLON est Directeur des affaires européennes à la FEI.
Jean-louis CHAMBON