Le 12 septembre dernier, l’agence Fitch a dégradé la dette souveraine de la France en la passant de AA- (qualité élevée) à A+ (qualité moyenne supérieure).
Dans son analyse, l’agence utilise le PIB comme un indicateur central permettant d’évaluer la soutenabilité des finances publiques, notamment au travers du ratio dette/PIB.
Fitch souligne que la dette publique française devrait passer de 113,2 % du PIB en 2024 à 121 % en 2027, sans perspective claire de stabilisation.
Fitch juge improbable que la France ramène son déficit public sous la barre des 3 % du PIB d’ici 2029, alors que le gouvernement visait cet objectif pour se conformer aux règles européennes. Le déficit est attendu à 5,4 % du PIB en 2025, et devrait rester supérieur à 5 % en 2026 et 2027. Dans ce contexte, l’agence estime que la France a moins de marge de manœuvre face à d’éventuels chocs économiques.
Selon les dernières estimations de l’INSEE, le PIB du pays progresserait de 0,8 % en 2025 au lieu de 0,6% prévu initialement, sous l’effet d’une meilleure dynamique dans l’agriculture, le tourisme, le marché immobilier et l’aéronautique. Cette progression, bien que positive, est loin des attendus pour compenser le poids de la dette.
Dans son dernier bulletin économique paru le 25 septembre, la BCE présente une vue d’ensemble des projections macro-économiques de l’inflation et du PIB en zone Euro, afin de justifier sa politique monétaire. Dans son communiqué, « le Conseil des gouverneurs considère qu’il est essentiel de renforcer, sans attendre, la zone euro et son économie dans l’environnement géopolitique actuel. Les politiques budgétaires et structurelles devraient améliorer la productivité, la compétitivité et la capacité de résistance de l’économie… Il appartient aux gouvernements de privilégier les réformes structurelles et les investissements stratégiques favorables à la croissance tout en assurant la pérennité des finances publiques. »
La feuille de route est donc claire : il faut soutenir le PIB.
Cependant, le calcul du PIB est-il toujours pertinent et d’actualité pour mesurer les richesses créées d’un pays ? devrait-il évoluer dans sa formule comme le suggère certains économistes et politiques ? et notamment en matière de changement climatique ?
Le PIB a déjà 80 ans
C’est lors de la conférence de Bretton Woods en 1944 que le PIB est adopté comme indicateur standard pour mesurer l’activité économique des pays, notamment pour faciliter les comparaisons internationales et la reconstruction d’après-guerre. Il sera ainsi progressivement adopté par le monde entier et les organisations internationales, telles que l’ONU, le FMI ou la Banque Mondiale. En France, il sera appliqué à partir de 1949.
Au fil des années, le PIB remplace progressivement le PNB (Produit National Brut) comme indicateur principal, car il mesure la production sur un territoire, indépendamment de la nationalité des acteurs économiques.
Dans les années 70-80, le PIB commence à inclure des secteurs autrefois négligés tels que les services. En effet, les pays développés passent d’une économie industrielle à une économie de services, ce qui modifie la structure du PIB.
Les limites du PIB
En 2009, dans le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi ou le « Rapport sur la mesure des performances économiques et du progrès social », les auteurs s’interrogent sur les limites du calcul de l’indicateur car:
- il ignore le bien-être : il ne mesure pas le bonheur, la santé, l’éducation, ou la qualité de l’environnement ;
- il néglige les inégalités : une hausse du PIB peut cacher une augmentation des écarts de revenus ;
- il omet la durabilité : Il ne tient pas compte de la dégradation du capital naturel (ressources, climat) ;
- il ne valorise pas le travail non rémunéré, comme le bénévolat ou le travail domestique.
Aussi, le rapport propose de compléter le PIB par des indicateurs de bien-être, de durabilité et d’inégalités.
Dernièrement, la BCE a aussi alerté ses Etats membres sur le fait que le changement climatique pourrait amputer le PIB européen de 5% d’ici 2030.
En France, l’INSEE a proposé en 2024 un indicateur complémentaire au PIB, le « produit intérieur net ajusté » (Pina) : cet indicateur permet de prendre en compte le changement climatique en intégrant la création de valeur et les effets des dommages futurs et des coûts de décarbonation.
Bien que des évolutions soient étudiées et envisagées, le PIB reste encore la référence pour un grand nombre d’institutions en tant qu’outil de pilotage ; mais d’autres dimensions d’analyses devront y être ajoutées afin d’avoir une vision plus globale dans un contexte de réchauffement climatique. Néanmoins, attention de ne pas casser el thermomètre pour ne pas soigner les causes de la maladie !
Sophie Friot
Membre du club Turgot