LE MANAGEMENT DE L’ENTREPRISE DURABLE

4/ LE REPORTING DE DURABILITE DES PME

Jean-Jacques Pluchart

La  Corporate Sustainability Reporting Directive (dite CSRD) encadre depuis 2023 les données non financières  (dites de durabilité) publiables par les grandes entreprises. La durabilité est le processus mis en œuvre par ces dernières pour identifier, évaluer, prévenir et corriger les impacts négatifs réels et potentiels de leurs opérations, produits et/ou services.

Le référentiel durabilité européen

Ce processus couvre trois domaines (dits ESG) : 1) les droits environnementaux, 2) les droits sociaux et les droits de l’homme, 3) les organes de gouvernance de l’entreprise. Ces domaines doivent être renseignés selon le principe de la double matérialité :

  • celui de la matérialité d’impact : mesure des impacts des opérations de l’entreprise ou de sa chaîne de valeur, sur les personnes et l’environnement, à court, moyen et long terme (inside-out) ;
  • celui de la matérialité financière : mesure des risques et des opportunités liés à l’ESG pouvant engendrer des effets financiers significatifs sur les flux de trésorerie futurs et la valeur de l’entreprise, à court, moyen et long terme (outside-out).

Les informations à déclarer doivent être pertinentes, fidèles, comparables, vérifiables et compréhensibles. Les impacts, risques et opportunités importants, réels ou potentiels (négatifs) liés à la chaîne de valeur de l’entreprise, doivent être pris en compte.

Les informations de durabilité à publier sont précisées par des normes européennes (ESRS pour European Sustainability Reporting Standards) définies par l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) rattaché à la Commission européenne. Un premier jeu de 12 normes (tous secteurs, hors PME cotées) a été transmis à la Commission le 22 novembre 2022, qui devrait les adopter avant le 30 juin 2023. Des normes spécifiques pour les PME cotées sur les marchés réglementés et 41 normes sectorielles seront proposées par l’EFRAG en 2024. 

Le reporting de durabilité prévoit 3 niveaux d’information : un socle commun « secteur-agnostique » / une information sectorielle « secteur-spécifique » / une information unitaire « entité-spécifique »). Il  couvre  4 types d’information : sur la gouvernance ; la stratégie ; la gestion des impacts, des risques et des opportunités ; la mesure des performances en fonction des objectifs,  et 3 thèmes (environnement / social / gouvernance).

La période de reporting de durabilité doit correspondre à celle du reporting financier (12 mois). Les informations doivent être classées selon les tranches suivantes : court terme  < 1 an (aligné sur le reporting financier) ; moyen terme de 1 à 5 ans; long terme > 5 ans.

Le premier jeu de 12 normes tous secteurs (comprenant 2 normes générales et 10 normes spécifiques sur l’environnement, le social/sociétal et la gouvernance) qui a été défini par l’EFRAG,  est constitué de 82 dispositions qui couvrent « un peu plus d’un millier de points d’information granulaires », conformément au schéma suivant : 

Référentiel durabilité de l’EFRAG

Normes transversesESRS 1 « Principes généraux » ; ESRS 2 « Informations générales à fournir : base de préparation, gouvernance, stratégie, analyse de matérialité, mesures et objectifs » 
EnvironnementESRS E1 « Changement climatique »  ESRS E2 « Pollution » ESRS E3 « Ressources aquatiques et marines » ESRS E4 « Biodiversité et écosystèmes » ESRS E5 « Utilisation des ressources et économie circulaire »
Social/sociétalESRS S1 « Employés » ESRS S2 « Travailleurs au sein de la chaîne de valeur » ESRS S3 « Communautés affectées » ESRS S4 « Consommateurs et utilisateurs finaux »
Gouvernance de la durabilitéESRS G1 « Conduite des affaires »

 source : rapport EFRAG 2022

Le reporting durabilité des PME

Seuls les groupes d’entreprises sont tenus de publier un rapport de durabilité sur l’exercice commençant le 1er janvier 2023. Les PME cotées  (hors micro entreprises)[1] seront obligées de  publier leurs données à partir de l’exercice commençant le 1er janvier 2026, mais elles peuvent décaler ce reporting jusqu’à l’exercice commençant le 1er janvier 2028.  Ces données doivent être contrôlées par un commissaire aux comptes ou un prestataire agréé. Les PME non cotées peuvent publier également ces données à titre volontaire, en raison de leurs statuts de société à impact ou à mission, ou pour des raisons stratégiques. Pendant la période transitoire  de 2023-2026 (ou 2028), les PME peuvent renseigner et éventuellement rendre public un tableau de bord de durabilité simplifié (TBDS) provisoire,  suivant le modèle ci-après proposé par le groupe de travail de la CCEF, comportant  dans un premier temps les 10 indicateurs génériques suivants (pour les secteurs industrie –agriculture et les secteurs des services), qui ciblent en priorité les risques encourus par les PME en cas de dépassement des standards ou moyennes  de leur secteurs d’activité.

Référentiel durabilité   des PME (secteurs de l’industrie et de l’agriculture)

Normes transversesNote sur les activités et sur la stratégie de l’entreprise
EnvironnementESRS E1  émission de CO2 (en tonnes et en €)[2] ESRS E2 rejets d’eau usée (en mètres cubes)[3] ESRS E3  tri et recyclage des emballages et déchets (% et coût en €) ESRS E4  surface des emprises au sol des bâtiments (en mètres carrés) ESRS E5 consommation d’électricité (en KWh), de gaz et de produits pétroliers (en mètres cubes)
Social/sociétalESRS S1    % effectif hommes/femmes                   % rémunérations hommes/femmes ESRS S2    %  effectif en situation de handicap                  % effectif  composé de seniors[4] ESRS S3    nombre d’accidents du travail                   charges liées à des contentieux juiridiques (en €)
Gouvernance de la durabilitéESRS G1  nombre de postes de travail affectés à la durabilité

Référentiel durabilité  des PME (secteurs des services)

Normes transversesNote sur les activités et sur la stratégie de l’entreprise
EnvironnementESRS E1  émission de CO2 (en tonnes et en €)[5] ESRS E2  poids de papier-carton  acheté par salarié (en kg) ESRS E3   tri et recyclage des emballages et déchets (en kg et coût en €) ESRS E4   audit énergétique des bâtiments (en niveau d’étiquette) ESRS E5   consommation d’électricité (en KWh), de gaz et de produits pétroliers (en mètres cubes)
Social/sociétalESRS S1    % effectif hommes/femmes                 % rémunérations hommes/femmes  ESRS S2    %  effectif en situation de handicap                 % effectif  composé de seniors[6] ESRS S3    % effectif en télétravail (équivalent temps plein)
Gouvernance de la durabilitéESRS G1   nombre de postes de travail affectés à la durabilité

Des indicateurs de référence (ou benchmarks) par secteurs d’activité , seront publiés après la publication du référentiel PME de l‘EFRAG en 2024.

Références

Autorité des Marchés Financiers (2019), Rapport de l’AMF sur l’information publiée par les sociétés cotées en matière de responsabilité sociale, sociétale et environnementale , Publications de l’AMF.

Bases de données et benchmarks: Global Impact Investing Network (GIIN), World Benchmark Alliance, Impact Weighted Accounts Project, B Lab (SDG Action Manager et B Impact Assessment), Carbone 4, Sycomore.

EFRAG (2022), Draft European Sustainability Reporting Standards , General disclosure,

Novethic, synthèse des indicateurs ESG (2013)

Pluchart J-J. (2021), Les nouveaux systèmes de pilotage des entreprises, Eds Eska, 2020. Préface d’AP. Bahuon et de D. Bacqueroet.

Pluchart  JJ. (2022),« La mesure des impacts socio-économiques des activités des entreprises. Etude d’un cas idéal-typique », in Cadet I. et J-J. Pluchart  Finance responsable et durable. Paradoxes théoriques et pratiques, Eska.


[1] entreprise  dont le CA est inférieur à 700 k€, le total du bilan à 350 k€ et/ou l’effectif à 10 salariés.

[2] émission de CO2 valorisé sur la base du cours du marché des droits carbone

[3] eau avec PH supérieur à 9 et température supérieure à 30° C (indicateur spécifique  agriculture : tonnes et € de rejets organiques et fertilisants consommés)

[4] salarié de plus de 55 ans  (selon DARES)

[5] émission de CO2 scopes 2 et 3 (fonction des datas stockées et traitées)

[6] salarié de plus de 55 ans  (selon DARES)

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