eds EMS, 2024, 180 pages
La formation et la vie professionnelles reposent sur des valeurs d’excellence comme la compétence, l’effort, la loyauté et l’adaptation à son milieu. Mais ces valeurs sont inégalement partagées entre les acteurs d’une organisation. De nombreux ouvriers, employés, cadres et dirigeants sont reconnus comme incompétents, déloyaux et/ou inadaptés. Comment dès lors ont-ils pu progresser dans la hiérarchie ? Comment conservent ils leurs postes alors que leurs contreperformances mettent en danger leur organisation ?
L’auteure s’efforce de répondre à ces questions et plus largement, à définir un impensé du management : la kakistocratie ou « pouvoir des pires », et l’idiocratie, ou « pouvoir des ignorants ». Elle montre notamment que certaines organisations ont implicitement pour règle de promouvoir les incompétents. Elle cite le chercheur italien Diego Gambetta qui a étudié la Mafia, puis Hervé Dumez qui a analysé l’organisation de l’Université dans un article célèbre intitulé La valeur de l’incompétence : De la mafia tout court à la mafia universitaire : une approche méthodologique. Ces auteurs expliquent ce paradoxe en constatant que la promotion d’un incompétent le rend redevable vis-à-vis de sa hiérarchie, qu’il ne risque pas de lui « faire de l’ombre », qu’il ne peut inquiéter les collègues ou les collaborateurs de l’organisation, qu’il a rendu des « services » et qu’il est « loyal envers le système »…
Isabelle Barth s’efforce de théoriser un « sujet sensible » du management, symbolisé par le principe de Peter (« chacun s’efforce de se hisser à son seuil d’incompétence » ) .
Isabelle Barth est professeure agrégée de sciences de gestion. Elle a été directrice l’EMS de Strasbourg et de l’INSEEC.
Chroniques rédigées par J-J. Pluchart