L’auteur se livre à une analyse critique du système français de protection sociale, basé sur le modèle de l’Etat-Providence hérité des « 3 U » de Beveridge. Il dresse une généalogie des notions – à la fois familières et méconnues – de protection sociale, de sécurité sociale, d’Etat social, d’Etat-Providence, de solidarité nationale, de revenu minimum universel, de « trappe d’inactivité »… Il analyse les dérives des modes de financement et de fiscalisation du système, qu’il compare aux dispositifs mis en œuvre dans les autres grandes démocraties. Il rappelle les alarmes successives lancées, depuis les années 1970, par des hommes politiques, comme Georges Pompidou et Jacques Chaban Delmas, par des historiens, comme Pierre Rosanvallon, ou par des juristes, comme Pierre Laroque. Il observe les multiples tentatives – parfois utopiques et souvent vaines – destinées à « refonder la solidarité », « repenser les droits », « restaurer les devoirs », « améliorer la redistribution », « recouvrer l’introuvable équilibre budgétaire »… Il montre toute la complexité des constructions juridiques, des ajustements fiscaux, des montages financiers… pour « combler le trou de la Secu ». Il révèle que ces dérives sont à la fois accélérées et inéluctables, en raison de l’instabilité politique du pays et du « tabou français de la capitalisation ». Il ironise sur le sens typiquement français de la controverse idéologique autour des notions de charges et de cotisations sociales, d’assurances et de prélèvements, de pensions et de retraites… Il salue le zèle des technocrates qui assurent la gouvernance du paritarisme Etats-caisses, en l’absence de réformes structurelles.
L’auteur recommande, à la suite d’Erell Thevenon, d’adopter un modèle « d’Etat-Prévoyance » situé entre le « tout universel et le tout individuel ». L’Etat se recentre sur son « cœur de mission » portant sur un « socle de solidarité ». Les acteurs privés se grantissement par contrat contre les risques de santé et de métier, en fonction de leurs choix de vie personnels. Dans tous les cas, il semble que le rééquilibrage du système français passe par « plus de travail » et « moins d’aides », ainsi que par une réduction des « vraies inégalités » mais aussi des « avantages indus ».
Felix Torres (ENS, agrégé d’histoire, docteur en anthropologie) est l’auteur de nombreux livres sur les institutions et les entreprises, où il fait preuve d’une vaste culture économique et sociale et d’une rare maîtrise des démarches historique et anthropologique.
Jean-Jacques Pluchart