INTELLIGENCE ARTFICIELLE. DEFIS ET SOUVERAINETE NATIONALE
Jeudi 27 novembre 2025
Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale
Le club turgot a assisté à la conférence animée par Jean-Gabriel Ganascia et Cédric Demeure sur le thème de l’IA et de la souveraineté nationale. Jean-Gabriel Ganascia est professeur émérite à Sorbonne Université et chercheur au LIP6. Il préside le comité d’éthique de France Travail et le comité d’orientation du Cycle des Hautes Études de la Culture. Il a notamment publié L’IA expliquée aux humains (Éditions du Seuil, 2024). Cédric Demeure est directeur du laboratoire central d’intelligence artificielle et d’innovation du groupe Thales.
Jean-Gabriel Ganascia retrace l’histoire de l’IA et notamment du passage de l’IA symbolique à l’IA connexionniste (voir chronique suivante).
Les échanges viennent ensuite confirmer que l’Europe aborde une phase décisive de son histoire. Elle est en effet confrontée à plusieurs ruptures technologiques, à un affaiblissement de sa compétitivité économique et à une recomposition de ses équilibres géopolitiques. Le modèle européen montre des signes de vulnérabilité face aux autres grandes puissances qui ont intensifié leurs investissements dans les technologies du futur. Le retard le plus problématique concerne l’économie numérique, et notamment les infrastructures digitales et la fabrication des semi-conducteurs. L’Europe est de plus en plus dépendante en matière de composants, de logiciels, d’équipements ou de services essentiels à son économie.
Afin de réduire ces vulnérabilités, les institutions européennes (à la suite du rapport Draghi) ont fixé des priorités visant à renforcer l’autonomie stratégique du Vieux-continent, et à rester un acteur majeur sur la scène géopolitique mondiale. La première priorité consiste à réduire le déficit en matière d’innovation, grâce à de meilleurs financements et surtout, à la création d’un environnement plus favorable à l’émergence d’entreprises capables d’investir et de se développer à l’international.
La fragilisation ou le risque de rupture des chaînes d’approvisionnement en matières premières critiques, soulève la question de la dépendance stratégique et de la souveraineté nationale des pays européens. La sécurisation des approvisionnements, notamment via le développement du recyclage, la diversification des fournisseurs et la relocalisation de certaines capacités, devient indispensable. La préservation de la souveraineté européenne implique un développement de ses structures numariques, mais aussi de ses capacités industrielles dans les domaines de la défense, de la santé et des énergies renouvelables. La révision récente des budgets de défense, les initiatives pour moderniser les infrastructures et les programmes de coopération entre États, témoignent d’une prise de conscience collective. Mais ces mutations requièrent une coordination renforcée entre Etats membres de l’Union européenne, un cadre réglementaire plus simple, une mobilisation collective des financements publics et privés, et une redynamisation des marchés financiers (notamment equity) européens.