« Le XXe siècle a été celui de l’abondance. Le XXIe sera celui des limites. »
Nous discutons fréquemment de la transition énergétique, de la relocalisation et de la sobriété, mais en partie comme s’il s’agissait d’options simples. L’auteur nous amène à voir qu’il ne s’agit plus désormais d’options mais de réalités. Ce livre le clarifie parfaitement, et non par l’hyperbole ou en essayant d’effrayer le lecteur. Ce n’est pas une histoire d’apocalypse, ni de progrès éternel. Il accueille simplement le fait que nous avons atteint les limites. La rareté n’est plus une exception et devient désormais la norme.
Le pétrole est au centre de son analyse. Il nous rappelle un fait peu connu, le taux de retour énergétique (TRE). Il était de 100 pour 1 au début du XXème siècle, il s’élève aujourd’hui à 11 pour 1. Ce chiffre constitue une menace pour notre équilibre entier. Rien ne peut être fait sans énergie abondante et bon marché.
L’électricité n’est pas une solution miracle, juste un vecteur. C’est un moyen de transporter l’énergie.
L’auteur mentionne également les minéraux et les matières premières. Nous dépendons de manière disproportionnée de ressources rares, souvent issues de pays instables. Nous les utilisons pour tout : téléphones, batteries, infrastructures. Mais si un maillon se brise, nous n’avons pas de plan B.
Le transport de fret est sous pression au niveau mondial. Il a une marge de profit très faible. Une petite chose peut paralyser une production entière. Même l’agriculture industrielle en dépend : engrais, machines, transport… en réalité, rien n’est autonome.
C’est un système que nous avons construit nous-mêmes. La spécialisation à outrance, la mondialisation et le culte de l’efficacité nous ont laissés incapables de faire face lorsque les choses dérapent. Nous avons poursuivi l’efficacité et oublié la résilience.
Renaud Duterme relie cela à la logique économique transmise par Ricardo et l’ascension du néolibéralisme. La question n’est pas seulement technologique ; elle est une vision politique.
Dans la dernière partie, il est moins alarmiste mais tout aussi grave. Il dit que nous allons souffrir de pénuries, et la question est réellement celle-ci : voulons-nous en souffrir ou y être préparés ?
Il ne s’agit pas de tout arrêter ou de faire marche arrière. C’est une invitation à reconsidérer ce que nous fabriquons, pourquoi et pour qui. Relocaliser là où cela compte vraiment. Surmonter ce système de croissance illimitée et reconnaître que ce siècle aura des limites, physiques et environnementales, et aussi sociales.
En d’autres termes, ce n’est pas un manuel technique ni un tract politique. C’est un texte clair et honnête. Il nous confronte à la réalité. Il ne cherche pas à nous faire peur ; il essaie de nous convaincre, en nous donnant des faits, et il y parvient.
C’est un livre à lire non tant pour ce que vous pouvez en apprendre que pour ce à quoi vous pouvez vous préparer. Parce que, à l’avenir, il ne s’agira plus simplement de technologies mais de choix, de compromis et même de réflexion collective.
Renaud Duterme est licencié en sciences du développement à l’université libre de Bruxelles et y enseigne la géographie. Attentif aux questions d’inégalités et d’écologie, il est l’auteur de De quoi l’effondrement est-il le nom ? (2016, avant-propos de Pablo Servigne), de Petit manuel pour une géographie de combat (2020) et de Nos mythologies écologiques (2021).
Note de Florence Anglès