Le 1er janvier 1999, onze pays allaient remplacer leurs monnaies respectives par une seule. L’Euro devenait la monnaie unique de 300 millions d’Européens ; une entreprise historique sans précédent. Autre précédent sans équivalent : le modèle même de l’Euro, une monnaie sans Etat souverain. La politique monétaire commune est confiée à une institution fédérale, mais les politiques économiques et budgétaires sont laissées à la discrétion des Etats. Pour répondre à ce défi de gestion collective, une discipline commune fut mise en place avec des règles budgétaires, un déficit inférieur à 3% du PIB, et d’endettement public inférieur à 60% du PIB, auxquelles tous les Etats ont souscrit dans le Pacte de stabilité et de croissance.
Aux onze membres fondateurs, neuf se sont ajoutés et l’Euro, deuxième monnaie la plus importante du système monétaire mondial, a joué un rôle de protection et de développement de l ‘Economie européenne tant sur les plans intérieur qu’extérieur et a résisté à quatre crises majeures (2008, dettes souveraines 2010-2012, Covid et inflation à partir de 2021). Mais il n’a pas apporté tous les bénéfices attendus car certains Etats membres ont refusé la discipline économique requise. Pire, certains ont profité de la protection de l’Euro pour détériorer leurs finances publiques, affaiblissant ainsi leur appareil productif, détruisant leur crédibilité et alimentant la méfiance de leurs partenaires. Ces disparités économiques sont apparues dès la création de l’Euro, les pays du Nord se concentrant sur le renforcement de leur base industrielle et la maitrise des finances publiques tandis que les pays du Sud privilégiaient le crédit, la consommation, la redistribution sociale sans se soucier des conséquences budgétaires et de l’inflation. Ces deux « modèles » ont coexisté jusqu’à ce que la réalité se venge et mène à la crise des dettes souveraines. A la suite de cette crise, les pays du Sud, à l’exception notoire de la France, ont amélioré leurs fondamentaux, grandement aidé par la politique exceptionnellement accommodante et prolongée de la BCE. Alors que l’inflation atteignait des niveaux jamais vus depuis la création de l’Union monétaire, la BCE a poursuivi cette politique créant des effets néfastes sur l’investissement productif, maintenant des entreprises zombie au dépend de la productivité, créant des bulles spéculatives et favorisant l’endettement des Etats. L’Union monétaire est à un tournant décisif. Mais que faire ?
L’auteur nous précise d’abord ce qu’il ne faut pas faire. Les problèmes structurels ne peuvent pas être réglés par un surcroit d’endettement. Il faut stopper la facilité de la création monétaire, la monétisation de la dette n’est pas la solution, il n’existe pas d’argent magique européen.
La discipline budgétaire est indispensable, il faut baisser les dépenses courantes, relancer l’investissement productif, ranimer l’Economie européenne passera par l’amélioration des conditions de financement, par la création de fonds de pension pour drainer l’épargne vers les fonds propres des entreprises afin d’encourager les innovations, relancer la titrisation et réaliser une véritable Union bancaire. Et enfin il faut arrêter de considérer comme acceptable et crédible la violation des règles budgétaires communes par un certain nombre d’Etats.
Dider Cahen, docteur en sciences économiques est délégué général d’Eurofi, think tank qui promeut le marché unique des services bancaires et financiers en Europe
Ph Alezard


