Eds Economica, 2023, 266 pages
Le lecteur de l’ouvrage d’Alain Quinet est littéralement transformé en élève-officier. Afin de répondre aux questions posées par la guerre et par la paix, l’auteur croise plusieurs disciplines : économie politique, psychologie, sociologie, géopolitique, stratégie militaire… Il conjugue les principaux concepts et modèles relevant de ces différents domaines pour expliquer les stratégies et les tactiques de conquête et de défense des États-nations. Ses réflexions sont particulièrement utiles pour comprendre les discours et les comportements des gouvernants et des chefs militaires dans le contexte actuel d’affrontement entre blocs autoritaires et démocratiques. Elles constituent une leçon d’économie politique à la fois fondamentale, actuelle et originale. Adam Smith n’écrivait- il pas : « la défense est plus importante que l’opulence » ?
L’auteur montre notamment que la mondialisation des échanges commerciaux a accru le bien-être des populations, mais a également créé de nouvelles dépendances et vulnérabilités. La puissance publique est désormais un bien commun fondé sur trois piliers : l’économie, la capacité militaire (hard power) et l’influence (soft power). La « projection » de la puissance d’un État repose sur une large palette de leviers modulables en fonction de stratégies « hybrides ». Sa souveraineté repose sur une certaine autonomie en ressources essentielles qui ne peut plus désormais s’acquérir que dans le cadre d’alliances économiques et/ou politiques, plus ou moins stables, qui permettent d’alléger les contraintes pesant sur chaque État. Ce dernier assume notamment des rôles de producteur, de client et de financeur des armements. Il est ainsi soumis à un « dilemme de sécurité », transposé du fameux « dilemme du prisonnier ». Il est souvent conduit à opter pour une solution de marchandage plutôt que de s’engager dans un conflit armé, parfois inévitable. L’histoire montre que les guerres peuvent être engagées pour des raisons rationnelles ou irrationnelles, et parfois tomber dans la « trappe de Thucydide ». L’auteur observe que l’art de la guerre repose de plus en plus sur l’innovation technologique, dont l’objectif de la programmation des dépenses militaires est de trouver le « juste niveau » permettant de renforcer la sécurité du pays tout en optimisant à long terme les retombées civiles de la recherche et de la production militaires. L’auteur montre enfin l’intérêt de fonder les décisions des stratèges sur des analyses coûts-avantages et coûts-efficacité des activités de défense orientées vers la réduction du niveau de menace de conflit.
Chroniques rédigées par J-J.Pluchart
Alain Quinet est économiste et professeur associé aux Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan