Dès le début du livre, l’entrée en matière est saisissante, car sur la base d’un constat d’échecs successifs sur le front du climat, l’économiste s’inquiète au pire d’un possible effondrement de civilisation et au mieux d’un remplacement possible, suite à l’inaction climatique, de notre démocratie libérale par un système illibéral et donc moins démocratique. Il souhaite donc au travers de son ouvrage émettre la solution de donner un prix du carbone (taxe CO²) pouvant contribuer à sauver le bien commun sur le plan de la nature par rapport à l’évolution du climat.
Pour ce faire, dans la première partie du livre, il montre que le problème de la transition énergétique est un problème d’allocation des efforts de décarbonation parmi une multiplicité d’agents économiques.
Il met en exergue un grand nombre de calculs chiffrés entre d’un côté les émissions de CO² émises par l’activité économique traditionnelle, et de l’autre les actes à réaliser aujourd’hui et demain par les acteurs économiques afin de tendre vers l’objectif zéro émission nette (ZEN) à l’horizon 2050 (limitant le réchauffement de la planète à 1,5°C).
Puis ensuite, avant d’aborder la fiscalité carbone, il démontre les contradictions actuelles de l’homo économicus qui a le souhait de faire un geste pour la planète, mais qui dans les faits ne veut pas dépenser plus pour le même produit/service ; soit au final l’inacceptabilité sociale propres aux politiques climatiques alternatives.
A ce sujet, il aborde donc le concept du passager clandestin, car l’acteur économique qui agit sur la décarbonation en subit l’intégralité du coût, et ne profite nullement du bénéfice climatique de cette action (les coûts sont privés et les bénéfices sont socialisés).
De fait, il en vient à proposer et expliciter sa théorie d’une mise en place d’une taxe unique sur le carbone (de l’ordre de 250 €/T selon ses calculs) égale à la valeur carbone. Le principe étant que chacun fera l’effort de décarbonation si et seulement si son coût par tonne de CO² évitée est inférieur à la valeur de la tonne de CO². Cela suppose la mise en place d’un système de subventions bien calibré engendrant un optimum social.
Mais dans un monde ouvert, alors que la nouvelle présidence des Etats-Unis met tout en œuvre pour déployer son économie avec les énergies traditionnelles, l’effort demandé doit avoir lieu au niveau mondial et non national, d’où le problème du passager clandestin.
De plus, l’auteur fait ressortir une idée novatrice proposant que l’Union européenne se dote d’une Banque centrale du carbone (BCC) indépendante, pour gérer l’évolution du prix du carbone sur un marché des permis d’émission couvrant l’ensemble de l’Union. Par la suite, l’objectif serait de faire monter le prix du carbone à un niveau tel que le pétrole et le gaz ne deviennent plus compétitifs par rapports aux énergies renouvelables.
Pour finir, alors qu’il n’existe pas de solution simple à la transition énergétique, et que beaucoup d’intellectuels ne voient pas aujourd’hui les enjeux du débat entourant les politiques climatiques assaillant notre démocratie libérale, l’économiste Grollier a juste voulu montrer que la tarification du carbone était la moins mauvaise solution.
Ce livre permet de comprendre tous les enjeux économiques actuels que nous subissons sans toujours en prendre la portée, et les événements majeurs qui sont en train de façonner notre siècle comme la voiture électrique, le chauffage par les pompes à chaleur, la mobilité douce en ville, la sidérurgie verte, les e-carburants pour l’aviation et le maritime, etc… Reste à convaincre la population mondiale…
Christian Gollier est économiste, co-fondateur et directeur de la Toulouse School of Economics et ses travaux portent sur l’économie du climat (œuvres récentes : « Entre fin de mois et fin du monde » et « Le climat après la fin du mois ») et sur les sciences de la décision en incertitude.
Claude GEORGELET


