Dans ce dernier opus, les auteurs, qui n’en sont pas à leur premier essai ensembles, se penchent sur quelques propositions de long terme afin de réinventer un modèle social pour la France et l’Europe face aux ambitions des Etats-Unis et de la Chine.
Ce premier quart de XXIème siècle a été marqué par un décrochage spectaculaire de l’économie européenne et plus encore de l’économie française. Depuis 2002 le PIB américain a crû deux fois plus vite que le PIB européen. Et cette glissade continue quels que soient les éléments d’analyses retenus : productivité, R&D, investissement, taux d’emploi, balance commerciale, formation, … La France a décroché même sur son propre continent, relativement à ses voisins. La désindustrialisation irrésistible française n’a pas été compensée par le développement d’un important secteur technologique, la dette et le déficit commercial sont abyssaux, la qualité des services publics se détériore malgré un déficit budgétaire toujours plus haut et enfin la richesse par habitant est 15% inférieure à celle de l’Allemagne.
L’Europe est fâchée avec Schumpeter et elle paye au prix fort son aversion pour le risque. 54% des dépenses de la R&D américaine sont consacrées aux nouvelles technologies contre 15% en Europe qui préfère continuer à investir dans sa vielle industrie. Neuf des dix premières capitalisations européennes sont dans les secteurs traditionnels tandis que neuf sur dix des Américaines sont liées à la technologie et l’IA. L’atout majeur du modèle américain réside dans un écosystème favorable à l’innovation, à l’investissement qui tranche avec le modèle européen entravé par un cadre fiscal, législatif et réglementaire contraignant. On pourrait le résumer en un slogan : le goût du risque versus le « principe de précaution ».
Mais ce modèle américain très « business friendly » cache des fragilités. Les inégalités et la paupérisation ne cessent de croitre, le coût exorbitant des soins est un facteur d’endettement et la situation financière de l’Etat, malgré ou à cause du dollar, est catastrophique. Alors que Donald Trump a promis aux Américains de retrouver l’âge d’or de la période McKinley, l’Europe affaiblie, démoralisée, saura-t-elle réagir ?
Pour cela il lui faudra arriver à sortir du piège de la croissance faible, retrouver son dynamisme et défendre ses positions dans la bagarre planétaire. Les auteurs font des propositions concrètes tant au niveau national qu’européen. Les urgences dans les réformes françaises sont connues ainsi que les solutions. Les choix s’imposeront à nous si on veut pérenniser notre modèle social. Mais il faudra surtout arriver à trouver un consentement et une implication active dans un contexte où l’exaspération, la dialectique mortifère et la défiance vis-à-vis de nos dirigeants empêchent toutes réformes pourtant nécessaires et nourrissent le procès en inefficacité des modèles démocratiques.
Patrick Artus est conseiller économique d’Ossiam et membre du Cercle des économistes
Marie-Paule Virard est journaliste économique
Philippe alezard
