Hommage à la pensée de Karl POLANYI

Les derniers événements qui marquent l’histoire contemporaine, comme les guerres en Ukraine et au Moyen Orient, ainsi que l’émergence de nouvelles formes de nationalisme aux États Unis et en Europe, inquiètent – voire « sidèrent » – les citoyens. Ces événements sont amplement commentés par les médias et les réseaux sociaux, mais sont aussi analysés par les chercheurs, qui s’efforcent de leur trouver des clés de compréhension en puisant dans les théories économiques et sociales. Karl Polanyi (1886-1964), dans son ouvrage majeur intitulé La grande transformation publié en 1944, avance une explication qui est de nature à répondre à ces interrogations.
Raisonnant à la fois en philosophe, en sociologue et en économiste, Karl Polanyi soutient que le système capitaliste actuel, fondé sur la propriété privée et la liberté d’entreprendre et d’échanger, n’est qu’une phase de l’évolution de l’humanité. Il estime que l’organisation de la société s’inscrit dans un long processus « cherchant à reproduire les conditions de la vie terrestre » en respectant l’homme, la nature et la planète. Pour s’en assurer, il analyse les formes sociales et les principes économiques qui ont régi les sociétés humaines avant l’apparition du capitalisme. Il constate que l’humanité a longtemps vécu sous l’emprise d’une « économie autarcique » dominée par l’échange direct et fondé sur le don et le contre-don. Le capitalisme n’a été construit qu’au XIXe siècle par les occidentaux. Son essor est du au progrès technique qui a permis la production de masse, et à la promesse d’abondance avancée sous le siècle des Lumières.  La société occidentale a ainsi mis toutes ses ressources humaines, naturelles et financières au service de « l’économie de l’abondance ». Il vise à satisfaire les besoins des consommateurs, mais il conduit à accumuler indéfiniment des biens privés et à créer des inégalités.  Polanyi conteste donc le paradigme de l’homo economicus fondateur du libéralisme et du capitalisme.
 
Karl Polanyi attribue la montée du fascisme au cours des années 1930 aux excès du libéralisme. Un siècle plus tard, ce constat est à nouveau observé dans les sociétés occidentales – et notamment dans la société française –  de  plus en plus attirées par des régimes populistes plus ou moins autoritaires aux visées improbables. Selon lui, la majorité des citoyens souhaite « une grande transformation » de la société. Dans l’après-guerre, cette aspiration s’était traduite par une internationalisation des institutions et des échanges, avec la création de l’Organisation Internationale du Travail et du Fonds Monétaire International. En 2025, elle semble plutôt se tourner vers un rejet du capitalisme international et un repli nationaliste. Karl Polanyi estimait en 1944 qu’un horizon commun à l’humanité était possible ; que penserait il aujourd’hui ?
Jean-Jacques Pluchart

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