Le livre de J T-L. Assoko ne répond pas aux critères de sélection du club Turgot, ni sur le fond ni sur la forme. Il se livre en effet, dans un style baroque, à une critique radicale des politiques menées par certains États d’Afrique, principalement francophones. Mais ses observations et ses propositions répondent à des questionnements partagés par la majorité des jeunes africains. Comme l’évoque le titre de son livre, l’auteur dénonce certaines idéologies et pratiques appliquées (les « sauts dans l’absurde ») par de nombreux pays africains , en prenant pour exemple le Burkina Faso présidé par Thomas Sankara, dont la politique a été alignée sur celle de la Corée du Nord.
Mais l’intérêt du livre réside surtout dans l’analyse des handicaps économiques des anciennes colonies françaises (réunies dans la zone du Franc CFA), dont la croissance économique depuis les années 1960 aurait été dans l’ensemble inférieure à celle des anciens pays de l’Afrique orientale et de l’Afrique du sud, sous influence anglophone. L’auteur attribue cet écart au rejet par les pays de « l’ex « Françafrique », qui ont hérité des « tristes tropismes » de la République française qu’il juge à la fois « sur-administrée et sous gouvernée » et marquée par « l’esprit de Paris », préférant les idéologies aux projets concrets. L’analyse comparée des discours révolutionnaires des dirigeants africains et des rapports des institutions internationales est à ce titre éclairante.
La forte présence des investisseurs internationaux – notamment français – entretient également une nouvelle forme de panafricanisme, qui conjugue une attrition anti-occidentale et une attraction pro-russe et chinoise. L’auteur dénonce également « l’écologisme » européen (la « rage verte ») qui impose à l’Afrique des normes environnementales inatteignables, privilégie les circuits courts et prive ainsi l’Afrique de débouchés vers le Vieux continent et de financements de projets en faveur de l’exploitation des ressources africaines.
Joel Té-Léssia ASSOKO (sciences pô Paris et Dauphine) est responsables des pages économiques de Jeune Afrique. Pierre HASKI est président du mouvement Reporters sans frontières.
J-J. Pluchart