L’auteur se livre à une relecture critique ambitieuse – ou plutôt à une « déconstruction » au sens de Derrida et d’Elias – des principaux discours et récits consacrés aux conflits d’origine ethnique survenus en Afrique depuis les années 1960. Il en conteste à la fois les concepts et les logiques qu’il juge trop ancrés dans l’épistémologie occidentale héritée de la colonisation des pays africains par les pays européens. Il montre la complexité et la diversité des crises et des guerres qui ont opposé les pays, les régions et ethnies d’Afrique. Il les resitue dans leurs contextes historique, social et géopolitique. Il en dévoile certaines origines lointaines méconnues. Sur le plan économique, il révèle l’importance des luttes entre les gouvernements (rarement démocratiques) mais surtout , entre les élites locales pour l’appropriation des rentes issues de l’exploitation des ressources naturelles. Il attribue aux groupes multinationaux occidentaux (de moins en moins européens) et asiatiques (de plus en plus chinois) la responsabilité de certaines crises.
La principale originalité de l’ouvrage réside dans l’approche scientifique de l’auteur, qui s’efforce de s’affranchir des protocoles méthodologiques occidentaux, fondés notamment sur les principes et les paradigmes posés par Karl Popper et Thomas Kuhn. Il soutient que ces derniers ne revêtent pas un caractère universel et intemporel, mais qu’ils sont propres à chaque civilisation. Il convient donc d’intégrer les particularismes régionaux et les contingences post-coloniales, dans les démarches scientifiques appliquées aux faits économiques et sociaux africains. Il propose ainsi de déconstruire leurs représentations par des méthodologies pluridisciplinaires dominées par l’anthropologie et conjuguant des approches philosophique, sociologique et économique.
Amadou Sarr Diop a été notamment influencé par les travaux du sociologue Georges Balandier, professeur français d’université, qui a été directeur de plusieurs centres d’études africaines et l’auteur du livre Afrique ambiguë (1957). Georges Balandier est l’initiateur du concept de « détour » par lequel il convient de « décoloniser les savoirs ».
Amadou Sarr Diop professeur associé à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, est directeur du laboratoire du Groupe interdisciplinaire de recherche sur l’éducation et les savoirs rattaché à l’École doctorale ET.HO.S (Études sur l’homme et la société). Il a publié plusieurs ouvrages sur le thème du développement de l’Afrique.