Agrégée de sciences physiques et ingénieure en chef des Mines, a fondé Areva et en a fait le leader mondial du nucléaire. Aujourd’hui à la tête d’ALP, elle conseille entreprises, gouvernements et entrepreneurs sur leurs stratégies.
L’auteure, témoin privilégié de la filière nucléaire française, propose sa lecture sur la « Saga » du nucléaire en France, livre son diagnostic sur l’existant et enfin propose des pistes de réflexion pour le futur.
L’énergie a été le facteur déterminant dans l’évolution de l’humanité. Il en fut ainsi avec la domestication du feu il y a environ 400 000 ans, de l’éolien et du solaire à l’âge de bronze puis à la fin du 18ème siècle avec le charbon et l’hydraulique, rejoints par le pétrole et le gaz au début de l’ère moderne. De profonds changements sociaux, politiques et économiques accompagnent chaque mutation énergétique.
Dès la fin du 19ème siècle se développe en France, grande consommatrice d’énergie fossile, la volonté de réduire sa dépendance en s’orientant vers un mix énergétique et une diversification de ses approvisionnements. Les guerres au Moyen-Orient et la perte des gisements gazier et pétrolier en Algérie renforcent cette orientation qui intègre à partir de 1974 une composante énergie nucléaire.
L’annonce officielle, courant 1974, d’un vaste programme nucléaire fait l’objet d’un consensus politique et syndical, qui s’appuie sur la maitrise de la bonne technologie. L’annonce permet d’accélérer et surtout de financer la filière. Fin des années 90, la France compte cinq géants mondiaux (Total, GDF Suez, Alsthom Power, Areva, EDF), dans un contexte de sécurisation et de reconnaissance mondiale.
A partir des années 2000, cet édifice est contesté par des mouvements écologiques, subi la doxa européenne, est déconstruit par une politique nationale largement influencée par les choix de personnalités issues pour la plupart des mouvements antinucléaire, par le quasi abandon de l’énergie hydroélectrique, par l’activisme des écologistes, par le poids croissant de l’Allemagne, abonnée au charbon, dans les décisions européennes. Ces facteurs s’additionnant expliquent le déclassement de la France dans le palmarès du niveau de charge utile (Ratio production réelle/Capacité théorique), passée de plus 90 % à moins de 70 %, ce qui la relègue des premières places à la dernière des 32 pays ayant développé l’énergie nucléaire. Conséquence, l’électricité un temps la moins chère d’Europe, s’est renchérie avec ses conséquences industrielles et l’appauvrissement du pays, l’Europe ayant indexée le KWh sur celui produit par la dernière la production gazière …
S’ajoutent à ce constat d nombereuses spécificités françaises : limitation volontaire de la production d’énergie d’origine nucléaire de 20 à 80 % en fonction du rendement des énergies renouvelables ce qui expliquerait en partie l’érosion des circuits, un temps de pause des réacteurs de 38 jours tous les 18 mois aux Etats-Unis contre 100 jours tous les 12 mois en France. Cette différence est d’autant plus singulière que le chargement de combustible aux Etats-Unis est assuré par Framatome. Il faut souligner l’absence d’un paramètre universel, la charge utile, par celui de TWh pris comme plafond, correspondant à 70 % maximum de charge utile alors qu’ailleurs cette dernière se situe entre 93 et 88 % ! Enfin la structure actuelle (EDF, RTE et Enedis) est-elle garante de transparence, d’efficacité et d’économie ?
En conclusion, l’auteure souligne les défauts de notre industrie et les moyens, sans investissements colossaux, d’y remédier en redonnant aux énergie nucléaire et hydraulique leur prééminence, l’urgente nécessité d’une politique s’appuyant sur des objectifs ambitieux pour enrayer le déclin de nos industries et redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs, communiquer pour rendre compréhensibles nos décisions, éviter les volte-face sans études d’impacts, enfin introduire plus de professionnalisme afin éviter l’amateurisme lors des conflits d’intérêts nationaux et européens.
Ouvrage très dense, documenté avec une partie européenne (CECA, Bruxelles) largement développée qui permet de mieux connaitre les dessous des décisions franco-européennes et de l’état de la France.
Anne LAUVERGEON, on lui doit « La promesse » (Grasset)
Note de Hubert ALCARAZ