Le questionnement de Vincent Vicard sur la réindustrialisation de la France est particulièrement opportun, car les déclarations des politiques, les analyses des économistes et les articles de journalistes sur le sujet méritent d’être précisées et corrigées.
L’auteur rappelle les facteurs qui ont conduit à une désindustrialisation accélérée de notre pays depuis les années 1990. La part de l’industrie dans le PIB et dans l’emploi a été divisée par 2 en trente ans pour être ramenée à près de 10%. Ce recul a été le plus sévère des pays occidentaux. Le phénomène a des causes multiples : la baisse de la productivité des entreprises françaises, la priorité accordée aux services, les ciblages désordonnés des actions publiques, les délocalisations massives opérées par les champions nationaux… L’auteur analyse ensuite les difficultés de la réindustrialisation: l’arbitrage problématique entre la consommation intérieure et l’exportation ; l’obligation de respecter les objectifs et les normes de l’Union européenne en matière environnementale et sociale ; les contraintes imposées par la Commission européenne en matière de concurrence et d’aides publiques ; l’absence de politique industrielle européenne ; la difficulté de réimplanter des activités à la fois innovantes et décarbonées ; la nécessité de diversifier et de sécuriser les sources d’approvisionnement sans trop renchérir les coûts de production ; la multiplication des risques géopolitiques et « l’arsenalisation » des échanges commerciaux ; le handicap du surcoût français du travail ; l’intérêt de privilégier les zones à faible taux d’emploi ; la difficulté de se spécialiser dans les secteurs d’activité le plus innovants … L’auteur présente de nombreux exemples de filières difficilement relocalisables et d’entorses au règlement de l’OMC. Il conclut que l’Union européenne a intérêt à maintenir le système actuel d’échanges multilatéraux et il souligne l’urgence d’une revue stratégique industrielle sur le modèle de la politique de défense.
Vincent VICARD est adjoint au directeur du CEPII, 1er centre français de recherche et d’enseignement en économie internationale.
Note de lecture rédigée par Jean Jacques PLUCHART