Le déclin français est bien documenté mais il est frappant de constater l’écart qu’il existe entre la gravité de la situation et la réalité de la conscience collective qui ne mesure pas l’intensité du mal qui nous ronge.
Dans la première partie de cet essai, l’auteur revient sur les causes, maintes fois explicitées et décrites, qui ont conduit la France à s’accommoder de la médiocrité, comme le disait déjà Raymond Barre. Au premier rang de celles-ci, l’éducation qui est la base même de notre destinée. Mais également, la désindustrialisation, par ailleurs pas sans lien avec l’inaptitude à conjuguer la formation et la vie au travail, les déficits de la balance commerciale et de la balance des paiements, l’explosion de l’endettement public et en corollaire de tout ceci, la croissance de la fracture sociale et des inégalités. Toutes ces causes interagissent les unes sur les autres, sont complexes et ne sont pas posées et débattues avec précision. Pour Jacques de Larosière, ceci est à mettre sur le compte « d’une triple servitude qui occupe l’espace public et envahit les esprits ». Servitude d’une expansion de la demande inspirée d’un keynésianisme mal compris, d’une propagande rassurante encouragée par les pouvoirs publics qui craignent d’inquiéter et de s’inquiéter eux-mêmes et enfin servitude du politiquement correct qui prime sur la liberté de pensée et d’expression.
Mais comment en sommes-nous arrivés là ? nous avons souvent tendance à chercher l’origine de nos maux dans des causes externes, alors que la vraie source de nos problèmes est à rechercher en nous-même : des choix toujours dirigés vers la facilité de l’emprunt favorisant des politiques de demande et de redistribution, la pénalisation du travail, les non décisions sur les sujets essentiels, la déliquescence du monde politique, l’incapacité à gouverner sur le long terme et enfin une démocratie qui n’inspire plus confiance.
La grande majorité des économistes est d’accord avec le constat qui précède cependant ce déclin n’est pas irrémédiable et il y a urgence et nécessité d’y remédier. Pour cela et vu l’imbrication des problèmes, une solution avec une approche parcellaire serait une erreur. Il faut avoir une vue d’ensemble du problème à traiter. L’auteur apporte des solutions pour ramener la dépense publique de 58% du PIB à 50% tout en « sanctuarisant » la dépense sociale. Mais l’équation budgétaire n’y suffira pas. Un changement de paradigme sera nécessaire sur l’orientation macro-économique, sur la balance des paiements, la formation, le numérique et il sera essentiel de retrouver une crédibilité sur la scène européenne. L’Europe ne devra à nouveau pas se laisser entrainer vers le crédit facile car l’épargne est abondante mais elle fuit vers la zone dollar. Il faut s’aligner sur les continents les plus efficaces en matière de taux d’intérêt, de régulation financière, encourager le financement par actions, la création des fonds de pension pour éviter cette fuite des capitaux et favoriser l’investissement productif et les projets européens.
Jacques de Larosière a dirigé le FMI avant de devenir gouverneur de la Banque de France puis président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Il est membre de l’académie des sciences morales et politiques.
Chronique rédigée par Philippe Alezard