« Et si le problème des énergies fossiles n’était pas leur rareté, mais leur abondance ? »
En prenant l’exemple du choc pétrolier des années 70, qui a marqué un coût d’arrêt à la croissance, Vincent Ortiz explique que le choc n’est pas lié à une raréfaction réelle du pétrole mais plutôt à une entente tacite entre les pays de l’OPEP et les multinationales pétrolières pour augmenter le prix de l’or noir. Même après le choc de 1973, le prix du pétrole est resté élevé en dépit de la reprise de la production grâce à la force du pouvoir de marché, celle du cartel. La pénurie ou la raréfaction des ressources naturelles permettrait de générer des profits en augmentant les prix, Ce serait la raison pour laquelle, les multinationales pétrolières, après avoir tant décrié King Hubbert, qui prophétisait l’extinction du pétrole (« peak oil »), l’ont par la suite soutenu et se sont même appuyées sur les préoccupations écologistes naissantes, celles du Club de Rome et du rapport. Meadows : Halte à la croissance !
L’auteur est très critique vis-à-vis de cette fraction de l’écologie politique, qu’il qualifie de néomalthusienne. S’inspirant comme son nom l’indique de l’économiste britannique Thomas Malthus (célèbre pour son idée de limitation de l’accroissement de la population), l’écologie néomalthusienne interprète le phénomène de rareté et d’augmentation des prix par le prisme des ressources : c’est la fin de l’abondance, c’est la décroissance.
Dans son livre, Vincent Ortiz défend l’idée qu’il est possible de concilier une baisse la croissance et un accroissement tendanciel des profits : il faut créer artificiellement de la rareté. C’est le principe du sabotage au sens de Thorstein Veblen. Ainsi, pour qu’il y ait des profits, il faut comme précondition du manque, des besoins non comblés.
Ce livre sort ainsi des sentiers battus et apporte un autre regard sur la pénurie en mettant en avant le sabotage économique de Veblen.
Vincent Ortiz est chercheur en économie à l’Université de Picardie Jules-Verne. Il est également rédacteur en chef adjoint du média Le Vent Se Lève. Diplômé de Sciences Po, il est spécialiste des relations internationales et de l’histoire des idées et a consacré plusieurs reportages à l’exploitation des ressources naturelles dans l’hémisphère Sud. Il signe, à 29 ans, son premier livre.
Chronique rédigée par F ANGLES