STIGLITZ Joseph E., Les routes de la liberté, Eds LLL, 2025, 386 pages.

J.E Stiglitz, Prix Nobel d’économie, a publié en 2024 son dernier livre intitulé The Roads of Freedom. Economics and the Good Society,qui vient d’être traduit en français. Il y retrace son « parcours intellectuel au cours du dernier demi-siècle », qui a été traversé par de multiples courants théoriques, crises économiques  et faits sociaux. Dans son livre, l’auteur analyse les systèmes économiques mis en œuvre dans plusieurs pays et à l’international, en fonction du type de risque qu’ils font courir aux marchés et à leurs principaux acteurs : les entreprises, les citoyens-consommateurs et les institutions publiques. Il soutient les systèmes qui assurent un « équilibre entre les libertés économiques et les libertés politiques ». Il distingue plusieurs types de libertés : « de travailler, de jouir des fruits de son travail, de posséder des biens et de gérer sa propriété, de participer à un libre marché », mais aussi, « d’être libéré du besoin et de la peur ». L’exercice de ces libertés doit contribuer à « l’épanouissement et à la réalisation des potentiels » des citoyens. Il montre toute la complexité du concept de liberté, dont les déterminants, hérités de l’histoire de chaque Etat-nation, sont plus ou moins compatibles. J.E. Stiglitz traite la problématique de la liberté par une analyse des discours  – ou des « rhétoriques » – et des actions des principaux acteurs de la vie économique et sociale, notamment les gouvernants et les médias.  La liberté a un « lien intrinsèque avec les notions d’équité, de justice et de bien-être ». Sa jouissance est directement conditionnée par le système économique dominant dans le pays.

L’auteur est ainsi conduit à analyser les différentes formes du capitalisme, et surtout, celle du capitalisme néolibéral  – qu’il qualifie de « sans entraves » – inspiré par Hayek et Friedman et devenu dominant à la fin des années 1970. Selon Stiglitz, ce système reposerait sur une sous-estimation délibérée de ses externalités et sur la croyance erronée en une  efficience forte des marchés économique, monétaire et financier. Il concentre son analyse sur le système appliqué   aux Etats-Unis dont il reconnait les forces – notamment le dynamisme et la flexibilité – mais dont il dénonce les faiblesses, principalement l’instabilité économique et l’insécurité sociale. Il dénonce au passage les biais des systèmes de mesure des échanges économiques et des inégalités sociales, qui contribuent à « rétrécir le bien être sociétal ».

J.E. Stiglitz propose donc de « reconstruire le système économique et juridique mondial ».  Il rejette le capitalisme international dans sa forme actuelle, lui préférant une forme plus équilibrée de capitalisme orienté vers une « prospérité sociétale partagée ». En bon néo-keynésien, il prône une nouvelle forme de « capitalisme progressiste » couplé avec une « social-démocratie » basée sur « la connaissance – facteur d’innovation et de vivre ensemble   – et sur une économie décentralisée et régulée par des institutions adaptées à la gestion du bien commun ». Parmi les acteurs sociaux exemplaires, il cite certaines grandes universités américaines, associations coopératives…, mais il fustige les dérives actuelles des politiques de certains gouvernants. Il se montre aussi critique à l’encontre d’une certaine presse, dont la « mésinformation et la désinformation » entretiennent les divisions et le populisme.

J.E. Stiglitz se réfère dans son livre aux travaux des économistes les plus reconnus, avec lesquels il a coopéré ou auxquels il s’est opposé. Il fait souvent référence à la pensée d’Adam Smith, exposée dans sa Théorie des sentiments moraux.

J.E. Stiglitz (prix Nobel d’économie en 2001) a été notamment économiste en chef de la Banque Mondiale. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles scientifiques , ainsi que de plusieurs rapports officiels, dont en 2008, celui  sur le changement des instruments de mesure de la croissance française ( conjointement avec Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi

Note de Jean-Jacques Pluchart

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