« Entre la démocratie et la barbarie, il n’y a que 5 repas » Winston Churchill
Il y a 70 ans, deux hommes réussissaient l’exploit d’atteindre le sommet de l’Everest. Depuis cette date prise en référence, des progrès immenses ont été accomplis notamment sur le plan alimentaire, socle de la sécurité humaine. Au cours des 70 années à venir, nous aurons à relever le défi de « l’Everest alimentaire ».
Sans en prétendre explorer toutes les facettes, cet essai, en utilisant la métaphore de l’Everest, est centré sur trois horizons incontournables et leurs enjeux respectifs : la sécurité, la soutenabilité et la santé.
La sécurité, définie comme un camp de base, s’impose particulièrement car d’ici à 2100, un pic de la population mondiale autour de 10,4 milliards pourrait être atteint vers 2080, avec des évolutions différenciées selon les territoires. L’agriculture aura donc à résoudre l’équation complexe du besoin alimentaire croissant, intégrant plusieurs paramètres, la croissance démographique, le déficit actuel (la faim), le vieillissement ou encore l’augmentation des classes moyennes.
La soutenabilité (bilan carbone) devra prendre en compte la réduction des pertes et gaspillages (20% des récoltes actuellement). Elle concernera toutes les ressources, la lumière, l’eau, la terre et aussi la mer (70% de la planète). L’agriculture, sans être seule, est au centre et devra s’adapter, y compris en faisant face à ces défis et aux chocs climatiques.
Vivre en bonne santé – se nourrir, bien vieillir, préserver la planète, respirer plus longtemps – passe aussi par une alimentation suffisante, bonne, appréciée, calibrée, durable.
A ces trois horizons à atteindre vient s’ajouter un besoin nécessaire de paix et de stabilité. Le contexte climatique et géopolitique pourrait rendre l’ascension plus ardue. Comment résoudre demain le besoin de souveraineté alimentaire d’un Etat et éviter les crises que nous rappellent l’histoire ?
Sébastien Abis considère que nous devons être réaliste sur la verticalité du sommet alimentaire à atteindre – qui concerne toute la planète rappelons-le – et à ce titre avoir une stratégie. Elle sera basée sur une vision de la situation alimentaire mondiale, une lucidité particulièrement en Europe et une conscience du rôle de toutes les agricultures. A l’heure des dérèglements évoqués, ne faudrait-‘il pas mettre en avant le concept de « souveraineté solidaire » ?
Au final, il nous faudra accepter le défi, agir en coopération, intégrer des scénarios multiples et les cartographier pour atteindre le sommet. Les agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, aquaculteurs seront « les sherpas de cette course » pour nourrir et réparer la planète.
Sébastien ABIS est chercheur associé à IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques), directeur du Club Demeter. Chroniqueur et conférencier, il enseigne à l’Université Catholique de Lille et à Junia. Il est auteur de nombreux ouvrages en prospective géopolitique, notamment : Géopolitique du blé, du sucre, des céréales, de la mer, de l’agriculture, Agriculture et climat, Agriculture et mondialisation, etc.
Fiche de lecture rédigée par Loïc LE MENN