L’auteure traite un sujet incompris ou ignoré des français bien que fondamental : la montée de la dette publique française. Elle rappelle le traumatisme de la banqueroute de Laws (1720), l’addiction des français aux bons du Trésor au XIXe siècle, leur élan patriotique pour les emprunts de guerre, leurs contributions financières aux reconstructions du pays, puis l’ouverture des émissions d’obligations aux souscripteurs étrangers et le développement d’une « culture française de la dette ». Elle observe que cette dernière s’accompagne d’un « déni » d’une dette qui n’est pratiquement jamais évoquée dans les campagnes électorales. Elle rappelle que la dette est un indicateur de l’impuissance de l’Etat à réduire les dépenses publiques, en raison de l’attachement des français à leur couverture sociale et à des services publics incapables de se moderniser, ainsi qu’au pouvoir des partenaires sociaux et au caractère apparemment « indolore » de l’endettement. Le citoyen-consommateur est confronté à la « tragédie des horizons » , car il est partagé entre son devoir de préserver les générations futures et son goût pour « l’ici-et-maintenant ». La dette est une source de conflit entre générations mais aussi, entre les conservateurs attachés à la « règle d’or » et aux « grands équilibres », et les populistes à la fois hédonistes et redistributeurs . L’auteure avertit l’opinion publique des dangers d’un endettement excessif : la charge d’intérêts stérile pèse sur les dépenses utiles ; la France devient dépendante de ses créanciers étrangers ; elles est de plus en plus vulnérable aux marchés financiers et aux crises ; l’Etat – et donc les français – s’accoutument à « vivre à crédit ».
Les lecteurs regretteront toutefois que l’auteur approfondisse insuffisamment les comparaisons entre les cultures nationales et surtout, entre les groupes sociaux français.
L’ouvrage est remarquablement structuré, documenté et rédigé.
Laure Quennouelle-Corre est historienne de l’économie et directrice de recherche au CNRS.
Chronique rédigée par J-J.Pluchart