Cette enquête, riche d’exemples des cinq continents, est un parcours fascinant autour de l’extraction minière, une enquête à visée universelle, très critique envers cette exploitation multimillénaire qui remonte aux antiquités, grecque, romaine, chinoise, sud-américaine.
La recherche des métaux et minéraux n’est pas uniquement capitalistique, elle est aussi philosophique, l’auteure nous rappelle Héphaïstos, Confucius, les alchimistes. “Nous sommes les héritiers et les héritières d’un monde essentiellement minier ».
De plus en plus, les objets qui nous entourent sont issus de la mine, pour blanchir notre papier, nous éclairer, fabriquer les moteurs électriques, et la liste des métaux critiques et nécessaires à nos économies s’allonge. La demande est donc intense et les réserves de moins en moins généreuses en termes de minerais à extraire, nous en sommes déjà à des extraction secondaires, dans les résidus, sur certains sites. Le nombre même de sites en activité est difficile à évaluer alors que nous nous attaquons déjà à l’extraction sous-marine.
Cette faible disponibilité des minerais fragilise aussi la productivité et la rentabilité de cette industrie fortement polluante, dont les externalités négatives sont souvent enfouies et aggravées par le changement climatique.
Le bilan est bien sombre, le texte nous indique à demi-mot mettant en parallèle l’extraction des métaux, dont terres rares, et l’extraction fossile, que ni l’une ni l’autre ne cesseront dans un futur proche, et que la technologie de « l’homo faber » si consommatrice n’est en rien un remède.
En 2017, la banque mondiale reconnait que la transition consiste à reporter sur les métaux la demande en énergie qui reposait sur les fossiles. La transition vers une économie plus verte, les énergies renouvelables ou l’intelligence artificielle met un voile sur les conséquences de l’extraction minière industrielle, fusse t-elle responsable et certifiée comme telle.
Face aux limites de la labellisation, aux enjeux géopolitiques dans la chaîne d’approvisionnement minière, aux perspectives limitées de certaines régions, Celia Izoard en appelle à la bonne gouvernance des entreprises du secteur. Les zones de stockage de résidus méritent d’être contrôlées et consolidées à l’instar des barrages hydrauliques afin de prévenir les infiltrations et catastrophes potentielles. De plus, la mise en œuvre d’un « bilan métaux » audité par un tiers, parallèlement au « bilan carbone » existant, aiderait à responsabiliser les parties prenantes. L’auteur souligne le potentiel de l’activisme actionnarial pour donner la parole aux communautés locales lors des assemblées générales des groupes miniers, promouvant ainsi des pratiques durables. Malgré les obstacles actuels au recyclage des métaux, notamment liés aux alliages et aux quantités de minerais dispersées dans les produits finaux, l’économie circulaire reste une option viable. Et, enfin, même si l’interruption des extractions n’est pas une hypothèse développée dans l’enquête, dont la décroissance n’est pas le sujet, il s’agit d’un appel sincère à tous ceux qui sont prêts à l’écouter.
Cette enquête sur un secteur essentiel dont nous sommes tellement dépendants m’a liquéfiée, tout comme les mines peuvent liquéfier nos montagnes.
Celia Izoard est journaliste et philosophe, spécialiste des nouvelles technologies au travers de leurs impacts sociaux et écologiques.
Adeline Pruvost