J-B. Fressoz publie un livre original sur l’histoire de l’énergie et une réflexion générale sur la pensée économique. Il engage une polémique contre des économistes « nobélisés » comme Jevons, Veblen, Nordhaus et Romer. Leurs thèses auraient dissimulé la gravité et l’urgence du défi climatique. Il affirme notamment que la notion de « destruction créatrice », avancée par Schumpeter, est responsable de la relative inaction des gouvernants face à la crise climatique. Fressoz revisite l’histoire de l’énergie qui recouvrirait une succession de systèmes énergétiques, séparés par des transitions « de l’économie organique vers l’économie minérale », « du charbon vers le pétrole » ou des « énergies fossiles vers des énergies renouvelables » Ces transitions sont marquées, selon l’auteur, par des biais de perception qu’il qualifie de « transitionnistes ».
L’auteur analyse « l’intrication et l’expansion symbiotiques de toutes les énergies » depuis le début du XIXe siècle, en affirmant que « l’histoire de l’énergie n’est pas celle d’une accumulation », mais celle de la « construction intellectuelle de la transition énergétique » – à la fois « projet technologique » et « slogan industriel » – qui, depuis les années 1970, a été imposé comme « le futur des experts, des gouvernements et des entreprises ».
Le récit de Fressoz innove à la fois sur le plan conceptuel et sur le plan formel. Il introduit notamment la notion d’«entité symbiotique » : il considère par exemple que le bois, le charbon et le pétrole sont plus des « entités symbiotiques que de simples sources d’énergie primaire en concurrence les unes avec les autres. L’économiste doit intégrer l’ensemble des processus matériels liés à la production de ces trois énergies, et démontrer que chacune d’elles « a tiré la consommation des deux autres, y compris pour des usages énergétiques » .
La « nouvelle histoire de l’énergie » de Fressoz recouvre deux siècles d’industrialisation du monde, marqués non par des « transitions », des additions ou des destructions énergétiques, mais par de « nouvelles symbioses entre sources d’énergie fossiles et alternatives. »
L’ensemble du livre reste homogène bien que des extraits soient des versions remaniées d’articles ou de chapitres d’ouvrages déjà publiés.
Jean Baptiste Fressoz est un historien des sciences, des techniques et de l’environnement. Après avoir été maître de conférences à l’Impérial Collège de Londres, il est maintenant chercheur au CNRS et enseignant à l’école des Ponts et chaussées.
Chronique rédigée par jean-Jacques PLUCHART