Elementor #76

Kako Nubukpo, L’Afrique et le reste du Monde, Odile Jacob (208 pages), publié le 23/10/2024.

L’Afrique doit sortir de son dyptique. La transitivité entre une Russie conquérante, une jeunesse Africaine décomplexée et déterminée et un impérialiste en déclin, marque une opportunité pour l’Afrique qui se délie du slogan futuriste pour retrouver sa Gouvernance antique en composant avec les BRICS. L’auteur suggère 4 facettes pour délégitimer les pouvoirs africains. Afin de répondre aux problématiques écologiques, aux revendications de peuples, aux orientations politiques et institutionnelles, l’auteur prône la souveraineté environnementale, populaire, politique et l’ethos des solidarités d’hier. Il illustre son audit avec le cas de la CEDEAO, dont l’extinction est inévitable, si elle ne révise pas les fondamentaux de sa souveraineté. “ Il défend l’idée que l’Afrique peut sortir de la dépendance et devenir maîtresse de son destin. Il critique le néolibéralisme et le panafricanisme de repli.” De la dépendance à la souveraineté, quel impact au niveau financier intra Afrique et avec l’un des pays phare de l’UE et avec deux géants du BRICS ? Avec l’un, une nécessité de se détourner d’un instrument d’inertie des économies africaines de la zone franc. Avec les deux autres, un choix légitime de conquête de la souveraineté monétaire. Afin de permettre à l’Afrique d’être acteur à tous les leviers des mécanismes financiers de leur Pays. Le lecteur, prend connaissance des trois options pour une nouvelle monnaie Africaine, de son déploiement et de sa feuille de route pour sa mise en place. En guise de conclusion, l’auteur propose deux leviers:  le néosouverainisme, via l’asymétrie des rapports commerciaux Nord-Afrique qui doit trouver des réponses pragmatiques. Et, le néoprotectionnisme, secteur par secteur, que je vous invite à découvrir en lisant cet ouvrage visionnaire. Kako Nubukpo, est un économiste et directeur de l’Observatoire de l’Afrique subsaharienne de la Fondation Jean Jaurès. Kako Nubukpo, L’Afrique et le reste du Monde, Odile Jacob (208 pages), publié le 23/10/2024 Chronique de Pona SAMNIK

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François Ecalle, Mécomptes Publics, Eds Odile Jacob, 311 pages.  

Ce livre est un voyage dans l’histoire à la fois personnelle de l’auteur et des comptes publics de l’état français. Tout d’abord on suit le jeune centralien intégrer l’ENA et découvrir, au long de ses nombreux stages de formation, les (dys)fonctionnements, les arcanes, les conflits de différents services publics et administrations de terrain. Puis au travers de ces 32 années passées au service de la république, dans un premier temps, à la direction des prévisions du ministère des finances, on apprend, entre autre, comment fonctionne le ministère des finances, comment sont réalisées les prévisions budgétaires, les relations des changes internationaux, les manques de coopération et de coordination entre les différentes directions du ministère. Mais également, puisque nous avons la chance de (re)vivre les années 80/90 avec François Ecalle, nous le suivons lors de la libération des prix, de la préparation de l’euro et des règles budgétaires européennes ainsi que de la difficile ouverture des services à la concurrence. Puis à la cours des comptes on contrôle le secteur bancaire et on découvre, à la Banque de France, un système comptable pour le moins hétéroclite, mais également des comptes très particuliers et des emprunts secrets de l’état, des traitements comptables et fiscaux de certaines prises de participation chez BNP et Banexi dont l’exemplarité juridique ne saute pas yeux. Après le secteur bancaire, le voyage continue dans les entreprises publiques du monde des transports, dans l’agriculture et on hallucine avec l’auteur devant les irrégularités, les faveurs obtenues, les mauvais choix, les gâchis, les réformes absurdes et les gestions calamiteuses. Certaines des préconisations proposées lors des contrôles ont été mises en œuvre, mais ces décisions ont été longues à prendre et parfois contrariées ou annulées par d’autres réformes. Il est frappant de noter la permanence dans le temps des problèmes fiscaux, économiques, financiers et politiques et des mesures qu’il faudrait prendre les résoudre. Les observations, les diagnostics portés sur la TVA sociale, sur les retraites, sur la politique de l’emploi, sur les politiques sectorielles telles que l’industrie, le logement, l’agriculture, etc et les recommandations proposées il y a trente ans sont toujours d’actualité. Mais tout va bien, la cours des comptes continue à publier des rapports qui restent lettre morte, la direction du trésor continue à écrire à son ministre que les déficits publics inscrits dans la loi de finance sont inatteignables sans redressement des comptes, l’état continue à laisser filer son déficit et sa dette et les français continue à tout demander à l’état. Attention toutefois à ne pas perdre notre souveraineté par l’action de certains acteurs étrangers… François Ecalle est conseiller maître honoraire à la cours des comptes et président de Fipeco, l’association Finances publiques et économie Note de Philippe  Alezard

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Duterme R., Pénuries – Quand tout vient à manquer, Payot, 211 pages

« Le XXe siècle a été celui de l’abondance. Le XXIe sera celui des limites. » Nous discutons fréquemment de la transition énergétique, de la relocalisation et de la sobriété, mais en partie comme s’il s’agissait d’options simples. L’auteur nous amène à voir qu’il ne s’agit plus désormais d’options mais de réalités. Ce livre le clarifie parfaitement, et non par l’hyperbole ou en essayant d’effrayer le lecteur. Ce n’est pas une histoire d’apocalypse, ni de progrès éternel. Il accueille simplement le fait que nous avons atteint les limites. La rareté n’est plus une exception et devient désormais la norme. Le pétrole est au centre de son analyse. Il nous rappelle un fait peu connu, le taux de retour énergétique (TRE). Il était de 100 pour 1 au début du XXème siècle, il s’élève aujourd’hui à 11 pour 1. Ce chiffre constitue une menace pour notre équilibre entier. Rien ne peut être fait sans énergie abondante et bon marché. L’électricité n’est pas une solution miracle, juste un vecteur. C’est un moyen de transporter l’énergie. L’auteur mentionne également les minéraux et les matières premières. Nous dépendons de manière disproportionnée de ressources rares, souvent issues de pays instables. Nous les utilisons pour tout : téléphones, batteries, infrastructures. Mais si un maillon se brise, nous n’avons pas de plan B. Le transport de fret est sous pression au niveau mondial. Il a une marge de profit très faible. Une petite chose peut paralyser une production entière. Même l’agriculture industrielle en dépend : engrais, machines, transport… en réalité, rien n’est autonome. C’est un système que nous avons construit nous-mêmes. La spécialisation à outrance, la mondialisation et le culte de l’efficacité nous ont laissés incapables de faire face lorsque les choses dérapent. Nous avons poursuivi l’efficacité et oublié la résilience. Renaud Duterme relie cela à la logique économique transmise par Ricardo et l’ascension du néolibéralisme. La question n’est pas seulement technologique ; elle est une vision politique. Dans la dernière partie, il est moins alarmiste mais tout aussi grave. Il dit que nous allons souffrir de pénuries, et la question est réellement celle-ci : voulons-nous en souffrir ou y être préparés ? Il ne s’agit pas de tout arrêter ou de faire marche arrière. C’est une invitation à reconsidérer ce que nous fabriquons, pourquoi et pour qui. Relocaliser là où cela compte vraiment. Surmonter ce système de croissance illimitée et reconnaître que ce siècle aura des limites, physiques et environnementales, et aussi sociales. En d’autres termes, ce n’est pas un manuel technique ni un tract politique. C’est un texte clair et honnête. Il nous confronte à la réalité. Il ne cherche pas à nous faire peur ; il essaie de nous convaincre, en nous donnant des faits, et il y parvient. C’est un livre à lire non tant pour ce que vous pouvez en apprendre que pour ce à quoi vous pouvez vous préparer. Parce que, à l’avenir, il ne s’agira plus simplement de technologies mais de choix, de compromis et même de réflexion collective. Renaud Duterme est licencié en sciences du développement à l’université libre de Bruxelles et y enseigne la géographie. Attentif aux questions d’inégalités et d’écologie, il est l’auteur de De quoi l’effondrement est-il le nom ? (2016, avant-propos de Pablo Servigne), de Petit manuel pour une géographie de combat (2020) et de Nos mythologies écologiques (2021). Note de Florence Anglès

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Oliver PETITJEAN et Ivan du ROY, Multinationales. Une histoire du monde contemporain, La Découverte, 853 pages.

L’ouvrage est monumental par son objet – l’histoire des entreprises multinationales – mais aussi par le nombre de ses auteurs (56 )  et par son volume (853 pages). Il parait à un tournant de l’histoire des multinationales   alors que leur expansion est menacée par le relèvement des droits de douane,  par la multiplication des  normes environnementales et le renforcement des règles de concurrence. Leur richesse, leur puissance et leurs pratiques nourissent les imaginaires –  et parfois les fantasmes – des populations  à la fois de l’occident et du sud-global.  Elles sont parfois accusées d’être à l’origine de certaines crises ou dérives dont souffrent les Etats Iindustriels et les pays en développement. L’ouvrage se présente sous la forme de courts récits documentés et d’articles journalistiques présentés suivant un ordre chronologique, depuis 1857 ( la création du groupe Singer) jusqu’à 2025 (l’agrobusiness et l’industrie minière au Brésil). L’ambition des auteurs est de « réintroduire les péripéties des multinationales dans la grande histoire mondiale ». Ils veulent révéler les véritables roles exercés par les acteurs-clé de la vie économique et sociale depuis près de deux siècles. Ils se défendent d’avoir écrit un « livre noir » de plus sur les agissements de certaines entreprises, bien que certains articles rappellent leurs dévoiements post-colonialistes, monopolistiques, commerciaux, financier, fiscaux… En fait, la plupart des récits mettent en lumière les avancées connues – et parfois inconnues – à la fois techniques, économiques et/ou sociales, qui ont été engendrées par certains grands projets des multinationales. Par la diversité des approches et des styles adoptés par les auteurs, le livre montre que les questionnements soulevés par les pratiques des multinationales ne couvrent pas que des problématiques académiques ou des débats politiques, mais qu’elles interpellent tous les citoyens par l’intermédiaire des médias et des réseaux sociaux. Au fil des chapitres, le lecteur de l’ouvrage perçoit l’ampleur, la dynamique et la complexité des systèmes de multinationalisation de l’industrie, de la finance et des échanges commerciaux, qui impliquent à la fois les acteurs privés et publics, les producteurs et les consommateurs, les détenteurs d’un pouvoir ou d’un contre-pouvoir. Le lecteur comprend alors mieux pourquoi certaines multinationales tentent de « verdir » et de « socialiser » leurs images, car elles savent, « qu’à l’instar des civilisations, elles peuvent être mortelles ». Les auteurs sont enseigants-chercheurs, avocats, journalistes et responsables associatifs.  Note de J-J. Pluchart

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Multinationales. Une histoire du monde contemporain, sous la direction d’O. PETITJEAN et I. DU ROY, Éditions La Découverte, 864 pages

Fiche écrite par Florence Anglès Le livre relate et analyse méticuleusement l’histoire des multinationales depuis le 19ème siècle. Ce n’est ni une diatribe ni un essai théorique déconnecté de la réalité. C’est une lecture très structurée et bien documentée, visant à interpréter un phénomène majeur du capitalisme actuel : l’autonomisation des agents économiques privés, qui se sont peu à peu développés en tant qu’agents politiques de facto avec un pouvoir important, mais peu de légitimité démocratique. La fondation des premières entreprises multinationales a été précédée par deux autres aspects majeurs de l’économie mondiale : d’abord, le colonialisme formel (l’ouverture de vastes parties du monde à l’occupation et à la colonisation non indigènes), et ensuite, les nombreuses révolutions industrielles. Elles se sont soutenues dans des logiques d’extraction, d’approvisionnement et de dépendance. Elles sont devenues une pierre angulaire du fordisme et de la reconstruction d’après-guerre au 20ème siècle. Cependant, dès les années 1980, elles ont commencé à s’affranchir des structures réglementaires nationales.  Le cadre déréglementé et fragmenté leur a non seulement permis de s’étendre mondialement, mais aussi de jouer selon leurs propres règles. Le pouvoir qu’elles exercent se décline sous de nombreuses formes : « Les multinationales ne se contentent pas de s’adapter à l’ordre mondial — elles le refaçonnent. » L’une des réalisations les plus importantes du livre est de relier cette trajectoire économique à une lecture politique des relations de pouvoir. Les multinationales ne sont pas simplement sorties de nulle part : elles sont le résultat d’une histoire, d’une stratégie, et d’une succession de systèmes opaques. La révélation du livre est une cohérence sous-jacente que nous voyons souvent seulement par fragments, une renonciation silencieuse au pouvoir collectif au profit d’acteurs non élus, exerçant leur pouvoir sans mandat clair, mais de manière effective. C’est une lecture difficile mais essentielle si vous voulez comprendre les véritables fondements de l’économie actuelle.  Olivier Petitjean est journaliste et membre de l’Observatoire des multinationales, qu’il a cofondé. Il travaille depuis plusieurs années sur les questions de justice économique, de responsabilité des entreprises et d’impacts environnementaux. Il est également l’auteur de plusieurs enquêtes sur le rôle des grandes firmes dans les politiques publiques. Ivan du Roy est journaliste, éditeur et fondateur de Basta!, un média indépendant engagé sur les enjeux sociaux, économiques et écologiques. Il est spécialisé dans l’analyse critique des politiques économiques, du pouvoir des grandes entreprises et des mécanismes d’influence au sein des institutions démocratiques.

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Philippe DESSERTINE, L’horizon des possibles. Economie, innovation, écologie : construire le siècle qui vient, Robert Laffon, 2025, 253 pages.

L’objectif de l’auteur est de mettre en lumière la logique reliant les chocs successifs – de nature financière, économique, sanitaire et géopolitique – qui sont survenus depuis le début du siècle, puis d’ouvrir des voies de progrès pour l’avenir, en préconisant au besoin une rupture avec le modèle industriel ou post-industriel antérieur.  L’auteur s’efforce de concilier histoire et modernité, transversalité et profondeur, culture et créativité. Il présente les français comme un cas d’école. Il estime qu’ils sont victimes de leur passé fantasmé , mais qu’héritiers de Montaigne et  de Descartes , ils sont capables de surmonter leur peur du lendemain  et de faire preuve à la fois de sens logique, de réactivité et surtout de créativité pour construire leur avenir. L’ouvrage est organisé en neuf chapitres soulevant des (méta) problématiques à la fois transversales et complexes : les nouveaux modèles économiques et sociaux ; le dérèglement de l’ancien monde ; l’immobilisme et la mobilité ; la croissance et les algorithmes ; la géopolitique de l’influence et des cerveaux; l’hyperinnovation et l’hyperintelligence ; les nouvelles valeurs et la nouvelle croissance ; l’impact extra-monétaire. L’ouvrage se démarque des travaux académiques conventionnels des économistes, des  historiens et des politologues. Sa rédaction alterne des concepts et des récits, des citations et des exemples contemporains. Elle relève de la narrative economy, illustrée par les travaux de plusieurs prix Nobel d’économie, comme Acemoglu, Johnson et Robinson.  Elle reflète une approche phénoménologique des faits économiques et sociaux, qui ont le plus marqué les esprits éclairés occidentaux. Ces phénomènes ne sont pas présentés suivant un ordre chronologique  ou  une logique géographique, mais selon les occurences des événements  qui ont le plus marqué les consciences des consommateurs et des producteurs.  Cette lecture de l’histoire est servie par un style à la fois pédagogique et créatif,  avec un sens de la formule – notamment basé sur des paradoxes  – qui est illustré  notamment   dans les titres des chapitres et des paragraphes. Philippe Dessertine (professeur à l’Université Paris I, directeur de l’IHFI et conférencier)  délivre ainsi dans son livre une magistrale leçon d’économie, un message d’optimisme et un appel au sursaut des citoyens désabusés . Note de Jean-Jacques Pluchart

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