LE MONDE, MODE D’EMPLOI, Ed.s Flammarion, 290 pages, 2023.
Jacques Attali, économiste et écrivain, ouvre
L’ECONOMIE DE LA VIE. SE PREPARER A CE QUI VIENT, Eds Pluriel, 292 pages, 2022.
Il est difficile de résumer les
VIVEMENT APRES-DEMAIN, Eds Pluriel, 234 pages, 2017.
Jacques Attali présente des solutions en
L’adoption de l’IA est en très forte accélération dans les entreprises
Olivier STEPHAN Une Etude (*) du
Anton BRENDER, Les démocraties face au capitalisme, Editions Odile Jacob, 175 pages
Le capitalisme a joué un rôle
COLLECTIF, Les inflations, Revue d’économie financière, n°152, 1er trimestre 2024, 323 pages
En choisissant le pluriel pour titre
LE MONDE, MODE D’EMPLOI, Ed.s Flammarion, 290 pages, 2023.
Jacques Attali, économiste et écrivain, ouvre son livre par une affirmation bien trempée « On ne le dira jamais assez : la science économique n’est pas le mode d’emploi du monde ». Il affirme qu’il est parfois préférable de s’en remettre au « bon sens ». Des proverbes, comme « un tien vaut mieux que deux tu l’auras » sont tout aussi utiles. L’auteur se propose donc de nous « dévoiler le mode d’emploi du monde ». Pour l’auteur, tout nous est enseigné par l’histoire, d’où sa grande exploration du domaine historique. On part de très loin, puisqu’il évoque des situations remontant à 200 000 ans ! C’est plutôt du story telling historique, mais cela permet de rêver un peu. L’auteur introduit deux notions importantes : la forme, ce sont les territoires de la planète soumis à une même loi du monde ; le cœur, c’est le centre de commandement de la forme. L’analyse consiste à croiser les commandements et les territoires. Neuf sont étudiés ; on releve que trois des neuf cœurs se situent aux Etats-Unis. Le premier concerne Bruges de 1250 à 1348. Après l’analyse de l’histoire, l’auteur nous ramène au présent, en 2023. C’est une partie très touffue chargée de statistiques. On a l’impression de subir une avalanche de chiffres dans tous les domaines. Un logiciel type ChatGPT aurait pu faciliter l’extraction de ces documents chiffrés. Le tableau est assez sombre et analyse les diverses crises que nous traversons : la crise climatique, les guerres et leurs menaces nucléaires. La rivalité Etats-Unis/Chine est largement documentée… Comment allons-nous aborder l’étape vers 2050 ? Ce qui nous menace, c’est l’économie de la mort : la production d’énergies fossiles, l’alimentation carnée, la pratique excessive des réseaux sociaux et des jeux vidéos. L’auteur nous encourage à faire des prévisions. Dans son livre de 2015 « Peut-on prévoir l’avenir ? » (Fayard), il décrivait la démarche qui consistait à prendre une feuille blanche, à prévoir sa journée, puis de continuer en élargissant les horizons. Cette méthode concernait également les Etats, pour les prévisions stratégiques. « La prévision est le meilleur allié de la liberté » concluait-il. Où se situera le cœur en 2050 ? Aux Etats-Unis? Peut-être pas, car ce ne sera plus une superpuissance. En Chine ? Elle devra maîtriser sa démographie déclinante et résoudre son problème écologique. En Inde ? Ce n’est pas impossible. En conclusion, l’auteur laisse entrevoir une situation meilleure, si chacun d’entre nous se pose les questions essentielles pour une vie sociale équilibrée. Le respect des libertés individuelles passe aussi par une remise en cause des comportements qui nuisent à notre environnement. Peut-être une lueur d’espoir pour les générations futures… (chronique de Renzo Borsato)
L’ECONOMIE DE LA VIE. SE PREPARER A CE QUI VIENT, Eds Pluriel, 292 pages, 2022.
Il est difficile de résumer les idées force de cet ouvrage, tant son spectre est large et tant les perspectives qu’il ouvre sont complexes. Sa principale force réside dans les croisements qu’il opère entre perspectives philosophiques, économiques et spirituelles. L’attitude des sociétés face à la perspective de la mort, façonne leur organisation économique et sociale. L’acceptation du temps du recul nécessaire à la construction du sens de la vie est un prérequis du développement humain, qui requiert une reconnaissance de la valeur de la vie avec ce qu’elle implique en dépenses de santé, de bien être d’aide aux personnes souffrant de solitude, etc. L’expérience de la pandémie que nous traversons démontre que la gouvernance économique mondiale au jour d’aujourd’hui ne répond pas à ces besoins. Il en est pour preuve la pénurie de masques ou de vaccins, sans parler des pénuries en établissements de santé. La gouvernance des entreprises mondialisées, centrée sur la création de valeur financière est également perverse en ce sens qu’elle pousse à l’allongement des chaînes de valeur avec toutes les conséquences qui en résultent en termes de ruptures d’approvisionnement de matières ou de services stratégiques. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les ruptures de livraison de métaux ares. Pourtant, le pire n’est pas sûr. Les nouvelles technologies exploitées dans un cadre de gouvernance mondiale revisité plus collaboratif, offrent de solides perspectives de bien être pour l’humanité (chronique de D. Molho)
VIVEMENT APRES-DEMAIN, Eds Pluriel, 234 pages, 2017.
Jacques Attali présente des solutions en faveur du meilleur des mondes. Au-delà des idées, toujours intéressantes, l’originalité de cet ouvrage est qu’il décrit le monde « d’après monde ». Il se distingue en cela de Keynes qui considérait « qu’à long terme, nous serons tous morts ». Son état des lieux, peut être excessif, est difficilement critiquable au fond. « Quand les incapables qui gouvernent les Etats et gèrent les marchés, ne pourront plus masquer les enjeux importants derrière les fausses urgences, quand on aura trop emprunté aux générations suivantes pour financer le superflu…, alors des révolutions auront lieu ». Pourtant le monde a les moyens de s’en sortir à condition d’avoir le courage d’affronter tous les enjeux et de se décider à ne pas reporter sur les générations futures le paiement des turpitudes du présent… que ces générations refuseront de payer ! L’ouvrage donne quelques pistes intéressantes mais certaines sont plus philosophiques qu’économiques : prendre conscience de l’inévitabilité de sa propre mort, se respecter et se prendre soi-même au sérieux, trouver ses propres invariants, se faire une opinion, sans cesse remise en cause, sur ce que vont faire les autres, et sur ce que peut devenir le monde, prendre conscience que son bonheur dépend de celui des autres, se préparer à vivre plusieurs vies, simultanément et successivement, se préparer à résister aux crises et aux menaces, ne rien considérer comme impossible, mettre en œuvre avec humilité et écoute en soi et pour soi un projet prenant sens pour soi… Le propos de l’auteur prend de la hauteur par rapport à ses livres précédents, il s’agit de messages quasiment d’ordre ontologique. Si l’on osait, on rappellerait des thèmes philosophiques anciens : connais-toi toi-même, il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de ni de réussir pour persévérer, gardez-vous des idoles (le veau d’or), chacun est partie du monde (le Tao), aimez- vous les uns les autres (Ancien et Nouveau Testament). « Vaste sujet » aurait dit le Général, mais le grand mérite du livre de Jacques Attali est de donner des pistes d’actions personnelles dans un monde qui n ‘est plus celui de l’Antiquité ! (chronique de D.Chesneau)
L’adoption de l’IA est en très forte accélération dans les entreprises
Olivier STEPHAN Une Etude (*) du Boston Consulting Group (BCG), publiée en juin 2024, révèle que l’adoption de l’IA et de l’IA générative a considérablement augmenté depuis un an. En effet, 43 % des employés déclarent utiliser régulièrement la GenAI au travail contre 20 % un an auparavant. L’IA est un outil de productivité individuelle et collective Sylvain Duranton, Directeur Monde de BCG X, co-auteur de l’étude observe : “58 % des salariés déclarent gagner au moins cinq heures par semaine. C’est une formidable opportunité pour les entreprises et pour la société”. Ces gains de temps sont réinvestis de différentes manières : accomplissement de tâches supplémentaires (41 %) ou de nouvelles tâches (39 %), travail sur des tâches stratégiques (38 %). Les améliorations apportées par la GenAI permettent non seulement de réduire la charge de travail, mais aussi d’améliorer notablement la qualité globale des missions réalisées. La formation des collaborateurs à l’IA reste un défi majeur à relever Pour une bonne utilisation de ces outils innovants, une formation adaptée est indispensable pour exploiter pleinement GenAI. A ce titre, les dirigeants interrogés font remonter trois défis : Pour les employés, les trois défis principaux de formation à l’IA sont : Aujourd’hui, seulement 30 % des managers et 28 % des employés ont été formés à l’IA. L’enquête sur l’IA au travail de 2023 révélait que 86 % des salariés souhaitaient bénéficier d’une formation pour adapter leurs compétences. En France, 50 % des managers et 33 % des employés ont déjà bénéficié d’une formation. Pour conclure, nous pouvons affirmer qu’investir en formation à l’IA est probablement une des meilleures sources de productivité des entreprises et de satisfaction des employés pour les années à venir. (*) Cette étude “L’IA au travail 2024 : ami et ennemi” (AI at Work : Friend and Foe) est particulièrement représentative : 13 102 cadres dirigeants, managers et employés, dans 15 pays ont été interrogés. La plupart des répondants travaillent dans des bureaux. https://www.bcg.com/press/26june2024-ia-generative-au-travail-amie-ou-ennemie-des-salaries
Anton BRENDER, Les démocraties face au capitalisme, Editions Odile Jacob, 175 pages
Le capitalisme a joué un rôle crucial dans le progrès social depuis deux siècles par l’innovation entrepreneuriale. Les biens et services créés en masse ont contribué à l’amélioration constante de nos conditions de vie. Les sociétés se sont servies de l’efficacité productive du capitalisme pour imposer la direction dans laquelle elles voulaient avancer. La loi a renforcé le pouvoir de négociation des salariés afin que la relation avec l’employeur ne se fasse plus uniquement dans le cadre marchand. Les démocraties ont forcé le capitalisme à être un moteur du progrès. Le développement d’une sphère non marchande a été rendue possible grâce au capitalisme. La hausse de la productivité de ceux qu’il emploie a permis de satisfaire les besoins de ceux qu’il n’emploie pas : enseignants, juges, policiers, infirmières, … C’est à la société de décider comment son État est organisé et à la démocratie qu’il incombe de se préoccuper de l’efficacité de cet État. Les forces mises en œuvre ont agi de façon différente d’un pays à l’autre. Aux États-Unis où le capitalisme est largement laissé à lui-même, l’État s’efforce de stabiliser le plein emploi, pour maintenir et augmenter les salaires, par le bais de sa politique monétaire. L’Europe quant à elle, privilégie les transferts sociaux et les aides à l’emploi, quitte à supporter du chômage, pour le maintien et la hausse des salaires. La Russie et la Chine, tout en s’appuyant sur le capitalisme, ont renoncé au modèle démocratique et ont amorcé un retour à l’impérialisme. A la fin du XIXe et du XXe siècle, l’échange marchand et son corollaire, la circulation monétaire, vont créer deux vagues de mondialisation. La première va se traduire par une migration sans précédent des pays les moins industrialisés (Suède, Espagne, Italie, Portugal, Pologne, Irlande) vers les pays les plus industrialisés (France, Angleterre, Allemagne, Belgique et États-Unis). La seconde verra une migration, non des personnes, mais des usines et des capitaux vers les pays à « bas salaires ». Le contraste entre ces deux mondialisations est total. Dans la première vague, les capitalismes étaient restés nationaux alors que dans la seconde ils se sont mondialisés, par l’irruption des pays à bas coûts, créant des vagues de licenciements dans les pays délocalisateurs ainsi que des interdépendances pouvant devenir sources de menace. La montée des inégalités de toutes sortes (dérèglement climatique, menaces sur la paix civile) compromet le fonctionnement des démocraties. La pérennité des modèles sociaux occidentaux est en jeu. Ces modèles reposent sur l’adhésion majoritaire de la population, à la différence de la Chine et de la Russie qui peuvent utiliser la répression pour assurer leur stabilité. Le défi des démocraties pour retrouver la cohésion sociale est donc colossal. L’État doit redevenir stratège, consolider ses capacités d’intégration et pour cela redéfinir son appareil éducatif, son système de santé, de police, de justice, mais également repenser l’aide au développement pour freiner la pression migratoire. Démocratie et capitalisme ne sont pas les faces d’une même pièce comme la Chine nous l’a démontré. Le capitalisme a dégagé une formidable masse d’épargne que les gouvernements doivent maintenant utiliser pour « reconstruire le socle des solidarités qui sont le fondement des sociétés démocratiques ». Anton BRENDER est économiste chez Candriam et professeur associé honoraire à Paris Dauphine. Il a été Directeur du CEPII (Centre d’Etudes prospectives et d’Informations Internationales). Chronique rédigée par Philippe ALEZARD
COLLECTIF, Les inflations, Revue d’économie financière, n°152, 1er trimestre 2024, 323 pages
En choisissant le pluriel pour titre de ce nouveau et stimulant opus collectif, les directeurs de publication Hans Helmut KOTZ et Jean-Paul POLLIN ont tenu à souligner le point commun des réflexions de leurs prestigieux contributeurs et coauteurs : l’inflation, comme son surprenant retour, est loin de se résumer à un phénomène univoque. En effet, ce qui, à l’analyse, paraît le plus dominant reste à la fois l’hétérogénéité des « histoires d’inflations » et les différences entre les pays et les catégories de revenus. La dispersion des situations des États membres en est une autre illustration (l’écart-type de l’inflation sous-jacente passant de 1,7 en moyenne historique à 6,5 en 2023 !). L’inflation, ainsi que les discussions sur ses origines, reste un sujet récurrent qui continue d’entretenir de nombreuses polémiques entre les économistes les plus éminents. Cette nouvelle parution de la REF apporte de précieux éclairages à cette réflexion en quatre chapitres particulièrement documentés. Après un rappel du contexte historique et des différences entre les pays de l’Union monétaire européenne, les États-Unis et les économies émergentes, sont exposées les raisons du retour de l’inflation d’un point de vue analytique. Aux termes de leurs réflexions, les auteurs ouvrent des perspectives pour des politiques à mettre en œuvre afin de revenir à la stabilité des prix, ce qui demeure le principal objectif des banques centrales : « … rares sont ceux qui ont vu revenir l’inflation : la hausse soudaine et brutale des niveaux de prix dans le monde entier a été sous-estimée tant par les intervenants de marché, les analystes, ainsi que les banques centrales elles-mêmes. » Les experts, de leur côté, continuent à débattre du caractère transitoire ou permanent de cette inflation, ainsi que de ses causes profondes : demande, offre, changements structurels ? Ce qui, en revanche, apparaît comme inexorable, eu égard aux tensions géopolitiques comme à l’ampleur que prendront les sujets liés à la sécurité nationale, à la transition verte ou numérique, c’est une tendance lourde vers une inflation sous-jacente plus élevée. Avec une prolongation de la crise du coût de la vie et des coûts politico-économiques qui l’accompagnent, et bien qu’il s’agisse d’un phénomène monétaire, l’inflation est : « un symptôme de difficultés économiques, sociales et politiques réelles. » (Tobin, 1987). Une évolution que Pascal Blanqué, dans Les aventures de l’inflation chez Calmann-Lévy, avait qualifiée de son côté de « changement de régime ». Note de lecture rédigée par Jean-Louis Chambon