L’auteur (assistant social à Bruxelles) s’interroge sur les causes et les formes du malaise de la société contemporaine. Il se livre à une réflexion foisonnante, inspirée par Lacan et Heidegger, sur la vision, notamment partagée par les jeunes des quartiers défavorisés, du système néolibéral, qu’il qualifie de « techno-capitaliste » ou de « consumériste- hédoniste ». Il attribue leur malaise (ou « mal-être ») au « Vide ontologique » (ou structural) caractérisant l’Être de l’homme post-moderne. Ce « Vide » ou ce « manque » recouvrirait les frustrations engendrées par la société actuelle qui serait progressivement réduite à l’état d’«appareil à produire et à consommer ». Les produits (ou objets « a » selon Lacan) satisfont de moins en moins les désirs des consommateurs (ou Sujets). Ces derniers sont en permanence en manque d’objets. Ce « dispositif fondateur » a été pressenti il y a un siècle par Heidegger, qui estimait que face au progrès, « la perplexité, l’ennui et le vide envahissent l’homme et bouleverse son quotidien ». Les sciences dures, notamment les nouvelles technologies, sont les « moteurs » du dispositif, tandis que les sciences humaines, notamment la philosophie et la psychanalyse, en sont les « déculpabilisateurs ».
Cette représentation a été reprise par Lacan dans son « ordre des discours », qui distingue les discours du Maître, de l’Universitaire, de l’Hystérique, de l’Analyste et du Capitaliste. Ce dernier est aujourd’hui assimilé à l’entrepreneur (ou au manager) qui a pour rôle de créer, de fabriquer et de vendre des objets par des discours (ou signifiants) destinés à « faire taire » les désirs des consommateurs. Le savoir des Maîtres (professeurs, philosophes…) et des Analystes (sociologues, psychologues, psychanalystes…) ne peut plus combler les frustrations des Sujets.
Cette représentation de la société post-moderne n’est pas nouvelle – elle inspire notamment les pensées néo-marxistes et écologistes – mais elle se révèle étonnamment actuelle en raison de la virtualisation des objets directement créés par les Sujets grâce à diverses techniques de réalité augmentée, sensées représenter les rêves et « simuler l’inconscient » .
L’ouvrage peut être lu comme une invitation à changer la société, mais aussi, plus cyniquement, comme un encouragement à renouveler le discours managérial.
Chronique rédigée par J-J. Pluchart