Jan Horst Keppler revisite l’histoire des idées économiques. Il s’interroge sur le rôle des pulsions et du désir dans la création des valeurs économique et humaine. Il s’efforce d’appliquer le « sinthome » (ou le « nœud borroméen » ), conçu par Lacan il y a un demi-siècle, à l’économie de marché et à l’entreprise. Il initie le lecteur à l’algèbre lacanienne, qui conjugue quatre principaux signes : S1 (le langage ou le signifiant–maître du Sujet), S2 (le savoir et les fantasmes de son univers), a (l’objet de ses pulsions et désirs), S/ (le Sujet lui-même qui est par nature « clivé » ou divisé). Ces signes se conjuguent différemment selon les quatre discours-types énoncés par le Sujet : les discours du Maitre (et de l’esclave), du Professeur, de l’Analyste et de l’Hystérique. Jan Horst Keppler constate que la structure inconsciente associée à l’échange marchand n’entre pas dans le schéma proposé par Lacan. Il adapte donc ce schéma afin de l’appliquer aux principaux acteurs des marchés et des entreprises, dont les structures symbolique et imaginaire varient dans le temps et dans l’espace : : le capitaliste (le « 5e discours » ajouté par Lacan) , l’entrepreneur, le commercial, le publicitaire et le trader. Ce dernier est considéré comme étant l’acteur-type de l’économie de marché en raison de l’instantanéité de ses actions et de la violence de ses décharges pulsionnelles. L’auteur s’interroge à cette occasion sur les impacts métapsychologiques des logiciels d’Intelligence Artificielle, qui ont « tendance à halluciner, c’est-à-dire à inventer des réponses non existantes, voire impossibles ». Il augure que « ces questions trouveront prochainement des réponses ».
Jan Horst Keppler compare également les approches théoriques des marchés successivement adoptées par les « économistes orthodoxes » – classiques, marxistes et néo-classiques – pour en déduire, à la suite de Lacan, que « la psychanalyse manque aux sciences de l’homme ».
L’ouvrage fait appel à des concepts relevant de trois disciplines exigeantes, la philosophie, l’économie et la psychanalyse. Il exige de ses lecteurs un effort soutenu d’attention et de compréhension, mais en contrepartie, il leur prodigue des leçons magistrales.
Jan Horst Keppler (professeur d’économie à l’Université Paris Dauphine – PSL) témoigne d’une culture et d’un sens de l’analyse exceptionnels. Il renouvelle l’approche historique de la pensée économique.
Chronique rédigée par J-J.Pluchart